Négociations pour un traité contraignant sur les STN dans le vif du sujet

21/12/2017

Le Président du Groupe de travail inter-gouvernemental chargé de l’élaboration d’un instrument juridiquement contraignant sur les sociétés transnationales (STN)1, M. Guillaume Long, Ambassadeur de l’Équateur, a présenté « les éléments » qui serviront de base à la rédaction dudit instrument. En parallèle, la Campagne pour démanteler le pouvoir des transnationales et mettre fin à l’impunité, dont le CETIM est membre, a soumis son propre projet de Traité au Groupe de travail.

Le Groupe de travail intergouvernemental du Conseil des droits de l’homme sur les STN s’est réuni à Genève du 23 au 27 octobre 2017 pour sa 3ème session. Y ont participé plus d’une centaine de délégations étatiques et 200 représentant-e-s de la société civile. La Campagne mondiale pour revendiquer la souveraineté des peuples, démanteler le pouvoir des sociétés transnationales et mettre fin à l’impunité2 était représentée par environ 130 délégué-e-s (provenant de tous les continents), pour faire entendre ses revendications.

Les débats au sein du Groupe de travail ont été organisés en panels correspondant aux différents chapitres des « éléments », présentés par le Président dudit Groupe. Des experts (avocats, économistes, académiciens, militants, représentant-e-s des victimes, etc.) dont le directeur du CETIM, Melik Özden, ont été invités à prendre la parole à chacun de ces panels, pour lancer le débat.

Les débats se sont focalisés en particulier sur les obligations des STN et des États en matière de droits humains, l’accès à la justice pour les victimes, la question de la juridiction (répartition entre l’État de siège et l’État d’accueil d’une STN ), la mise en place d’une Cour internationale sur les STN et la coopération internationale.

Dans ce cadre, la Campagne mondiale a présenté son propre projet de Traité afin d’influer sur les négociations au sein du Groupe de travail (voir encadré). Les membres de la Campagne mondiale ont été actifs autant à l’intérieur de l’ONU – avec des propositions concrètes au travers d’une centaine d’interventions orales et la tenue de trois conférences parallèles – qu’à l’extérieur de l’ONU, avec la tenue de nombreux ateliers thématiques durant 3 jours sous une tente sur la Place des Nations. Le CETIM, avec ses partenaires membres de la Campagne mondiale a également organisé une conférence publique à l’Université de Genève.

En parallèle, le CETIM, en collaboration avec le Professeur Gilles Lhuilier, a présenté des commentaires sur les « éléments » du Président du Groupe de travail. Dans nos commentaires, nous avons insisté entre autres sur les points suivants : l’importance du champ d’application du futur Traité (afin qu’il s’applique directement aux États et aux STN) ; les obligations des STN de protéger les droits humains dans le cadre de leur chaîne de valeur avec, entre autres, la création et mise en œuvre d’un plan de vigilance ; la création d’un service d’assistance juridique internationale pour l’accès à la justice des victimes des STN ; l’exercice de la juridiction des États pour les violations commises tout au long de la chaîne de valeur d’une STN donnée, même lorsque les filiales composant cette chaîne opèrent en dehors de leur juridiction.

Tout au long de la semaine, le représentant de l’Union européenne a tenté de bloquer le bon déroulement des travaux du Groupe de travail, frisant les limites des codes diplomatiques. Sans succès.

À l’issue de ses travaux, le Groupe de travail a convenu qu’un délai, jusqu’à fin février 2018, soit accordé aux États afin qu’ils fassent parvenir leurs commentaires au Président du Groupe de travail sur ses « éléments ». Sur la base de ces commentaires et des débats lors de la 3ème session du Groupe de travail sur ses « éléments », le Président dudit Groupe doit élaborer un projet de Traité en bonne et due forme. Ce projet sera soumis à la 4ème session du Groupe de travail en octobre 2018.

Il est à noter que le soutien politique s’élargit en faveur de ce processus. À titre d’exemple, 200 parlementaires de 20 pays, se sont engagés à soutenir le processus dans une déclaration faite à l’issue d’un Forum parlementaire, tenu à Genève à la veille de l’ouverture de la 3ème session du Groupe de travail intergouvernemental. En France, 250 parlementaires ont écrit au Président de la République pour que la France soutienne le processus onusien en question.

Traité de la Campagne mondiale

La Campagne mondiale a déjà une étape d’avance sur le Groupe de travail, en effet, son traité est déjà rédigé. Il est le fruit d’un long travail collectif, tous les membres de la campagne ont pu contribuer à son écriture. Il est donc le reflet des luttes et revendications des communautés affectées, des mouvements sociaux et autres organisations de la société civile parties prenantes à ce processus. Avoir un traité émanant de la Campagne mondiale l’a dotée d’un outil puissant de négociation. Ce traité est une mine d’informations, de réflexions et de propositions, il peut être utilisé, autant par les militant-e-s, que les collectivités publiques et élu-e-s qui luttent contre l’impunité des STN. Il continuera à évoluer selon les négociations au sein de l’ONU.

Les principales propositions de ce traité sont les suivantes : des obligations directes et claires en matière de droits humains pour les STN ; la reconnaissance d’une responsabilité solidaire entre la STN mère, ses dirigeants et les entreprises constituant sa chaîne de valeur, en ce qui concerne le respect des droits humains. On trouve ensuite les obligations des États, dont celle primordiale de réaffirmer la primauté des droits humains sur les accords de commerce et d’investissement, mais aussi l’obligation de consultation et de consentement des communautés concernées avant l’installation d’une STN sur leur territoire. Les tribunaux des États d’origine auront une compétence large sur les STN et leurs chaînes de valeurs pour que ces dernières ne puissent plus échapper à la justice. Le traité contient également un chapitre renforçant la coopération internationale dans les domaines des enquêtes et de l’exécution des jugements.

Il propose enfin que soient institués une Cour internationale sur les STN et un centre international de surveillance. Comme leurs statuts ne sont pas encore écrits, c’est le prochain processus d’écriture participatif pour la Campagne, bien sûr le CETIM y contribuera !

1Cf. Résolution 26/9 du Conseil des droits de l’homme, adoptée le 26 juin 2014.

2Elle regroupe plus de 200 organisations de la société civile à travers le monde (mouvements sociaux et communautés affectées notamment).

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