La mondialisation et ses effets sur les droits humains

11/11/2001

Monsieur le Président,

Comme l’a déjà affirmé le CETIM dans son exposé écrit E/CN.4/Sub.2/2000/NGO/13 du 28 juillet 2000, sous couvert d’une mondialisation qu’on nous présente comme inévitable et irrémédiable s’impose et se renforce une société profondément inégalitaire et antidémocratique qui multiplie les exclus et les opprimés au Nord comme au Sud ainsi que les graves violations des droits humains. Le néolibéralisme repose en particulier sur un mensonge, ou une fausse évidence, qui, à force d’être quotidiennement asséné par les élites économiques et dans les médias, paraît indiscutable: la démocratie et le marché vont de pair et se renforcent mutuellement. Rien n’est pourtant plus faux et trompeur.

C’est pourquoi, il convient, d’établir une distinction entre d’une part les forces objectives des mutations technologiques -qui sont le moteur de la mondialisation de la production et des échanges économiques- et, d’autre part, les politiques qui ont accompagné (et dans certains cas, stimulé) la mondialisation telles que la libération et la privatisation systématique -qui sont le résultat de choix conscients et peuvent être inversées lorsqu’elles s’avèrent préjudiciables au bien être et au progrès social de l’humanité.

Les groupes industriels et financiers qui pilotent la mondialisation avec l’aval des institutions politiques pratiquent une mondialisation excluante. Selon la théorie des “avantages comparatifs”, le libre échange serait toujours avantageux à toutes les parties, stimulant par la concurrence les économies moins efficaces et incitant les partenaires à se spécialiser dans les productions dans lesquelles il sont le plus compétitif. En réalité quand deux activités de production avec de grands écarts de productivité sont mises en compétition directe, la plus forte ne stimule pas l’autre, elle l’écrase. Ceci a été observé et admis par plusieurs auteurs.

Les puissances hégémoniques persistent pourtant dans l’option “tout au marché” à travers le cheval de Troie qu’est l’Organisation mondiale de commerce (OMC). De part ses activités, l’OMC a de profondes incidences sur les droits humains alors même que ses statuts ne font guère référence à ces droits. Les négociations en cours sur la libéralisation des services, parmi lesquels on compte la santé, l’éducation et les services environnementaux sont une des préoccupations actuelles majeures de la société civile. La privatisation des services touchant aux biens communs de l’humanité représente une grave menace à l’encontre des droits humains fondamentaux, que sont entre autres le droit à la vie, à la santé et à l’éducation. Le CETIM demande à ce que ce point soit approfondi au sein de l’étude de M. Oloka-Onyango et de Mme Udagama.

L’OMC a par ailleurs élargi son champ d’action (échange et commerce) pour s’occuper des brevets (accords TRIPS sur la propriété intellectuelle). Les brevets servent également à piller les ressources dans les pays du Sud où plus de 80% de ceux-ci sont détenus par des firmes étrangères, principalement les sociétés transnationales (STN). Il s’agit d’un domaine clef sur lesquels nous espérons que les deux experts continueront de se pencher.

De son côté, le système financier international impose des contraintes incompatibles avec la jouissance des droits humains. Comme le reconnaît si bien la Charte de l’ONU, il existe un lien entre le maintien de la paix et de la sécurité internationale, la création des conditions de progrès et de développement dans l’ordre économique et social et la promotion et la protection des droits humains. Il est donc essentiel de veiller à la cohérence des politiques des institutions internationales et celles qui sont chargées des questions commerciales et financières. C’est pourquoi le CETIM encourage les rapporteurs spéciaux de la Sous-commission à poursuivre l’étude sur le rôle et l’impact des institutions de Bretton Woods et de l’OMC sur la mise en oeuvre des droits économiques, sociaux et culturels.

S’agissant des STN, il faudra envisager des mesures concrètes afin de combattre l’impunité dont elles jouissent. Ces dernières doivent rendre des comptes pour les violations des droits humains commises.

A ce propos, la Sous-commission dispose d’un Groupe de travail sur les méthodes de travail et les activités des STN. Mais la complexité de la problématique étudiée, le peu de temps dont ce Groupe dispose et une certaine dérive par rapport au contenu de son mandat ne lui ont pas permis d’aborder, et encore moins d’approfondir, tous les points que son ordre du jour contient.

C’est pourquoi le CETIM appuie la prorogation du mandat du Groupe de travail afin qu’il puisse le remplir. Celui-ci devrait entre autre consister à :

– élaborer un texte d’orientation pour l’établissement d’un encadrement juridique international à caractère contraignant pour les sociétés transnationales.

– établir un état des lieux des divers accords existants en matière d’investissement, d’agriculture, de commerce, et de services tant régionaux qu’internationaux, en relation avec les activités des STN, et leur impact sur les droits de l’homme, puis analyser leur compatibilité avec les divers instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme;

– étudier les effets de la concurrence entre les STN telles que fusions, achats et reventes de sociétés et le système des oligopoles, sur la jouissance des droits de l’homme et sur le choix de développement des peuples ainsi que leur compatibilité avec le droit international en matière des droits de l’homme, en particulier s’agissant de la souveraineté des Etats et du droit au développement.

Catégories Cas Déclarations DROITS HUMAINS Sociétés transnationales
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