Près de 50 ans de lutte contre les inégalités

29/03/2017

L’audience grandissante de courants d’extrême droite, ou carrément fascistes, au cœur même de la «vieille Europe», la victoire du Brexit en Grande-Bretagne ou l’élection de Trump aux USA inquiètent.

À juste titre. Même si, en Grande-Bretagne, les votes en faveur du retrait voulaient avant tout signifier le rejet d’une Union européenne aux ordres des multinationales et de la finance, la campagne pour le OUI fleurait mauvais la xénophobie. Et, prétendument en rupture avec l’« establishment », les diatribes particulièrement nauséabondes de Trump n’ont d’évidence pas rebuté une bonne partie de l’électorat. Rassurée à la lecture de son futur gouvernement, Wall Street a d’ailleurs promptement décrypté le message : les actions, bancaires notamment, ont flambé dès décembre !

Tous ces relents nationalistes, chauvins, réactionnaires, racistes, xénophobes, sexistes, belliqueux, qui s’étalent sans complexe ni vergogne, n’ont-ils pas de quoi faire peur ? Notamment en Europe, alors qu’une partie de la jeunesse semble bien peu avertie des années 1930 ?

Certainement. D’autant plus qu’ailleurs, la montée d’un nationalisme hindou fascisant, l’effervescence d’organisations salafistes, wahhabistes, djihadistes, intégristes ‒quels que soient les qualificatifs dont la presse les affuble, la place manque ici pour en faire l’analyse‒, autant meurtrières et réactionnaires que manipulées et instrumentalisées, les replis identitaires en bien des endroits, sont toujours bien présents.

N’augurent-ils pas au plus mal de l’avenir immédiat ? N’y a-t-il pas lieu d’être déçu, désappointé, découragé ?

Le millénaire semblait pourtant s’ouvrir, enfin, sur une nouvelle ère de changement : avancées progressistes en Amérique latine ; progression prodigieuse de Podemos en Espagne ou de Syriza en Grèce ; courageux refus du peuple grec, le 27 juin 2015, de plier face aux oligarchies financières et aux ukases de la Troïka ; soulèvements en Tunisie puis en Égypte …

Tout cela n’aurait-il été que feux de paille ? Trahison de Tsipras, un gouvernement dit « de gauche », quelques jours après le référendum ; revers, voire reculs, de gouvernements progressistes latino-américains, sous les coups de boutoir de la droite néolibérale et de son puissant allié nord-américain ; promesses non tenues des « printemps arabes » ; explosions le plus souvent sans lendemain de la colère africaine, dépourvue d’alternative cohérente et positive… N’y a-t-il pas de quoi refroidir bien des enthousiasmes ?

Oui et non, car on peut aussi citer les surprenants bons résultats électoraux d’un Jeremy Corbyn en Grande-Bretagne ou d’un Bernie Sanders aux États-Unis, les manifestations monstres, femmes en tête, contre l’intronisation de Trump et ses premières mesures discriminatoires et réactionnaires…

Et, plus fondamentalement, des initiatives se font jour à la base un peu partout ; des propositions d’alternatives, souvent très pratiques et concrètes, fleurissent; elles dessinent d’autres voies possibles prometteuses… S’amplifieront-elles, se coaliseront-elles en mouvements plus généraux et en stratégies de changement ? L’avenir le dira.

Ce qui est certain, c’est que tous ces mouvements ont lieu dans un même contexte général : celui d’une crise insurmontable du système dominant. Une crise qui, par vagues successives depuis les années 1970 – la dernière en 2008 – n’a cessé de s’approfondir : financière, politique, économique, sociale, écologique, culturelle… Un système incapable de se réformer, prêt au chaos généralisé pour se maintenir : guerres sans fin, élections tournant à la farce, pillage sans limites des ressources naturelles, accaparement des terres, chômage comme seule perspective du plus grand nombre à l’échelle planétaire, inégalités croissantes, matraquage publicitaire et consumérisme effréné, professions écologistes tournant vite au plus plat « green business », manipulations financières et fiscales, instrumentalisation commerciale du WEB, culture de plus en plus marchande et univoque, mise au rencart du droit international onusien, etc., etc.

« La crise consiste justement dans le fait que l’ancien meurt et que le nouveau ne peut pas naître : pendant cet interrègne on observe les phénomènes morbides les plus variés », écrivait Antonio Gramsci dans ses Cahiers de prison. Et d’ajouter : « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres ».

Que, face à la détermination cynique et arrogante du capitalisme impérialiste à perpétuer sa domination, les réactions partent dans tous les sens, ne devrait pas surprendre ; que face à des oligarchies la tête baissée sur le seul horizon de leurs profits, des « réponses » se fassent ici progressistes, internationalistes, humanistes, là confuses, troubles, anxiogènes, ou là encore réactionnaires et meurtrières, ne présente malheureusement rien de nouveau ; et que, contre une mondialisation néolibérale imposée à l’avantage unique d’une minorité, la souveraineté nationale soit invoquée comme principe défensif paraît logique : parfois pour le pire, c’est vrai, mais aussi parfois pour le meilleur, à l’exemple de l’Alba ou d’interdictions territoriales des OGM ou du fracking… La lutte pour une alternative progressiste, inclusive, sociale, féministe, écologiste ne l’emportera pas d’avance.

À l’écoute des échos du monde, ne faut-il pas garder à l’esprit cet autre appel lancé par Gramsci du fond de son cachot sur l’île de Ventotene : savoir «allier le pessimisme de la raison à l’optimisme de la volonté» ?

Depuis bientôt un demi-siècle, le CETIM s’y emploie et s’efforce notamment de donner aux luttes pour un monde meilleur de nouveaux instruments pour leur combat :

Initiative, à quelques années d’intervalle, de deux guides pour l’audit citoyen de la dette ; plusieurs autres ouvrages sur le levier implacable qu’elle constitue aux mains des puissants pour soumettre et spolier les peuples, et sur les programmes d’ajustement structurel en particulier ; nombreuses interventions dans le même sens au « Palais des Nations ».

Mise en branle, dès 2008 à l’ONU et aux côtés de La Vía Campesina, d’une vaste campagne, toujours en cours, en vue de l’adoption d’une Déclaration sur les droits des paysans ; plusieurs ouvrages pour dénoncer la destruction systématique de l’agriculture paysanne par la mondialisation néolibérale ; sur les luttes des paysans familiaux et des peuples indigènes ; sur les OGM, la mainmise des trusts sur les semences, les animaux et leur patrimoine génétique.

Défense résolue du droit international onusien, au fondement du maintien de la paix et de la défense de l’égale souveraineté des nations, critique de sa subversion par le droit des affaires et par des accords de « libre échange » renforçant l’inégalité de développement et la domination des STN.

Appels répétés au respect du droit d’asile et aux droits des migrants ‒ le CETIM fut en 1997 avec Fuir le chaos écrit par Raymond Joly, l’un des éditeurs à produire les témoignages éloquents de demandeurs d’asile mineurs, après trois autres ouvrages, en 1986, 91 et 93, dénonçant les regards sur l’asile, l’Europe forteresse et Schengen.

Mise à nu d’une « aide » qui, loin de relever d’une authentique coopération internationale, est devenue, par ses conditionnalités multiples, instrument de reconquête néocoloniale.

Plaidoyer contre un mal-développement généralisé et pour la multiplication d’expériences de « produire – et de consommer – autrement » par ceux d’en bas.

Lutte patiente et acharnée, depuis 1996 au sein de l’ONU, pour que soit adopté un instrument contraignant permettant aux victimes de violations de leurs droits humains et environnementaux d’attaquer en justice les sociétés transnationales responsables.

De façon plus générale, efforts incessants pour que les droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que le droit au développement, ne restent pas le parent pauvre des droits humains, alors qu’officiellement ils sont tous proclamés égaux, liés entre eux, indivisibles et interdépendants.

Convocation de la mémoire pour mener les luttes à venir, avec le lancement de sa collection Pensées d’hier pour demain…

Le combat du CETIM demeure résolu, plus militant que jamais. Au carrefour des contestations de rue et institutionnelles, le CETIM a une place particulière dans la galaxie des ONG. Il y joue un rôle indispensable, autant dans les domaines de la réflexion et de l’information que de l’action.

Mais il a aussi besoin d’appuis élargis, renforcés, multipliés, afin de surmonter ses handicaps financiers et l’insuffisance de ses ressources humaines. Tout soutien est bienvenu : adhésions, dons petits et grands, legs, pistes pour de nouveaux financements – voir notre site www.cetim.ch. D’autres propositions sont aussi bienvenues. À une seule condition: qu’elles n’entament en rien l’autonomie d’action et de pensée critique de notre commune association.

Il en va de la force de proposition et d’avenir du CETIM. Et la lutte qu’il mène avec d’autres pour changer le monde l’exige !

 

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