Un traité sur les multinationales au forceps

17/12/2024
Paru dans Le Courrier, 17 décembre 2024, par Christphe Koessler
Photo: Manifestation Zug 2023, KEYSTONE
Les négociations pour obliger les firmes à respecter les droits humains piétinent à Genève.

Cela fait dix ans que l’ONU se penche sur un projet de traité pour contraindre les entreprises multinationales à respecter les droits humains. Cette semaine à Genève, un groupe de travail intergouvernemental du Conseil des droits humains continue à examiner un texte.

Comme chaque année, des représentant·es de la société civile du monde entier et des victimes des activités de certaines multinationales ont fait le déplacement. Ils ne cachent pas un certain agacement: «La session était initialement prévue en octobre. Elle a été reportée à la dernière minute pour le 15 décembre, ce qui a entraîné des fardeaux financiers et logistiques très importants aux délégations de la société civile du Sud Global», explique dans un communiqué la Campagne globale pour démanteler le pouvoir des sociétés transnationales, une coordination qui regroupe 250 organisations sociales. Une trentaine d’entre elles ont finalement pu venir à Genève, sur les quelque 60 prévues à l’origine.

Les discussions de cette semaine se tiennent même sans les représentations de certains Etat du Sud, explique Raffaele Morgantini, représentant de l’ONG genevoise Centre Europe – Tiers-Monde (CETIM) auprès de l’ONU: «Il est bien connu que les délégués à Genève de nombre d’Etats du Sud rentrent chez eux à la mi-décembre. Ce report ne nous parait pas fortuit. Il s’inscrit dans la volonté de la présidence du groupe de travail et de certains Etats du Nord de saper le processus en cours.»

Le Nord défend ses entreprises

Les négociations voient en effet s’affronter des représentant·es de pays pauvres ou en développement, dont les populations sont parfois victimes de violations des droits humains perpétrés par des firmes multinationales, et les Etats du Nord, notamment l’Union européenne et la Suisse. Ces derniers défendent avant tout leurs entreprises, assurent depuis plusieurs années les organisations de la société civile (lire notre édition du 23 octobre 2023).

L’année passée, la présidence du groupe de travail tenue par l’Equateur, désormais alliée des pays du Nord, avait proposé un nouveau texte de traité à la place de l’ancien. Le groupe africain avait alors demandé sans succès le retour à la version originale, plus contraignante pour les firmes. «Le nouveau document affaiblit le projet de traité, tant par la terminologie utilisée que sur le fonds. L’Union européenne ne jure que par la diligence raisonnable des entreprises, un dispositif qui se base sur la bonne volonté des firmes pour prévenir les violations. Ce n’est pas suffisant, il faut que les transnationales soient juridiquement redevables de leurs actions, tant devant les tribunaux nationaux que devant une instance internationale à créer», résume Raffaele Morgantini.

Les jeux sont encore loin d’être faits: les travaux de l’ONU pourraient durer encore longtemps. Le groupe de travail devrait s’entendre ces jours sur une «feuille de route» pour les prochaines années, qui pourrait inclure de larges consultations à mener.

Pendant ce temps, les organisations de la Campagne globale continuent leurs actions de sensibilisation auprès de l’opinion publique. A Genève, les militant•es des pays du Sud et leurs soutiens locaux organisent vendredi 20 décembre un «tour toxique» consacré au géant minier suisse Glencore, régulièrement dénoncé pour ses impacts sur les communautés locales, les violences engendrées par ses projets et les destructions de l’environnement. Les manifestant•es partiront de la place des Nations unies à 12h15 pour aller protester devant les bureaux des banques JP Morgan et UBS, du gérant d’actifs Blackrock et de la Mission de la Suisse auprès de l’ONU. Tous désignés comme des soutiens aux activités de Glencore…

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