Um Nyobè intègre la laïcité et le droit à l’athéisme dans la lutte pour une souveraineté réelle

25/04/2018

Par ce petit livre Said Bouamama apporte une contribution remarquable à la réalisation de l’objectif que le CETIM a fixé à sa collection « Pensées d’hier pour demain ». Les textes qu’il a choisis et son introduction permettent de comprendre pourquoi les conséquences de l’interdiction de l’UPC et de ses deux principaux mouvements alliés, puis de l’assassinat du Secrétaire général et d’autres membres du Bureau politique ou du Comité directeur, continuent à limiter la capacité du pays de faire certains choix audacieux pour sortir définitivement de la zone de vulnérabilité et fragilité actuelle. Je voudrais seulement lever l’ambiguïté que l’emploi de l’expression « théologie de la libération » dans l’un des sous-titres de l’introduction peut entraîner dans une conjoncture mondiale où l’impérialisme impose le communautarisme politique comme une des armes du politicide.

Um Nyobè fut un laïc radical et l’UPC une organisation laïque. Rappelons que l’expression « théologie de la libération » est une invention de prêtres catholiques d’Amérique du Sud qui voulaient mobiliser certains groupes paupérisés ou misérables pour exiger des droits au lieu de suivre la ligne de Rome qui est de se limiter à « l’aide aux pauvres ». En aucune manière une telle approche n’était à l’ordre du jour au Cameroun.

La diversité des représentations métaphysiques du monde, notamment sous forme de croyances religieuses, était et continue d’être une des caractéristiques les plus visibles du Cameroun. Um Nyobè identifia quatre groupes religieux, dont trois issus du monothéisme abrahamique ‒ chrétien catholique, chrétien protestant, et musulman (en général sunnite de rite malékite) ‒ étaient en expansion, tandis que le quatrième, celui des religions communautaires issues des terroirs et qu’il appelait fétichistes, était en crise et se dissolvait dans les autres selon des modalités multiples, allant des formes fondamentales aux syncrétismes. J’attire l’attention sur le fait que sa liste comprenait l’athéisme comme catégorie qui méritait tout autant le droit à la protection. C’était d’autant plus remarquable que, tout en considérant son protestantisme comme relevant de la sphère privée, il ne cachait pas non plus le fait qu’il était croyant.

Le texte intitulé « Religion et colonialisme » fut la réponse de l’UPC aux attaques que des couches dirigeantes des Églises ‒ surtout catholique ‒ qui voulaient cacher leur hostilité au projet de réunification et de souveraineté pleine de l’État post-colonial en accusant l’UPC d’être un parti communiste visant à instaurer au Cameroun l’athéisme d’État. En impliquant fortement l’ONU dans sa lutte non armée pour la réunification et la souveraineté, Um Nyobè répondait en quelque sorte que l’UPC s’engageait de manière évidente à faire respecter la Déclaration universelle des droits humains dans les institutions et la gouvernance de l’État post colonial, nécessairement laïc. Car, il considérait que les Camerounais ne voulaient ni refaire l’expérience de l’Europe, où la laïcité de l’État ne fut acquise qu’au bout des guerres de trente ans, ni encore moins se perdre dans le labyrinthe de la charia ; au contraire, ils voulaient faire de leur pays une nation dans laquelle tous les habitants seraient des défenseurs de l’égalité et de la solidarité. Sur cette base Um Nyobè exhortait les dirigeants de toutes les confessions religieuses à laisser leurs adeptes exercer leur choix politique en leur qualité de personnes libres et responsables. C’est ainsi qu’il faut comprendre son fameux appel : Catholiques, protestants, musulmans, fétichistes, non croyants, nous devons nous unir pour hâter l’unification et l’indépendance.

Bernard Founou Tchuigoua

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