La crise sociale et politique au Pérou dans le viseur de l’ONU

18/07/2023

En décembre 2022, suite à la destitution et arrestation du Président Pedro Castillo, un leader syndical issu des milieux paysans progressistes, le Pérou a vu ses fractures historiques – ethniques, culturelles, géographiques et sociales – resurgir avec une violence inouïe. Débouchant sur une crise sociopolitique généralisée, la répression sanglante et les violations systématiques des droits humains ont caractérisé le quotidien de la contestation sociale. Le CETIM s’est investi pour activer les mécanismes et organes onusiens afin que ces derniers puissent suivre de près la crise et servir de lieu de doléances pour les victimes de la violence et pour les mouvements sociaux qui luttent pour la justice sociale.

À partir du 7 décembre 2022, des manifestations massives contre le gouvernement provisoire péruvien ont investi les rues du pays, convoquées et portées principalement par les syndicats, les organisations paysannes et autochtones. La répression gouvernementale de la mobilisation a causé au moins 60 morts, d’innombrables blessés, des disparus, des détentions arbitraires… Or, il convient de le souligner, les manifestations étaient pour la plupart pacifiques et se centraient sur des revendications légitimes : le retour de l’ordre institutionnel démocratique, la démission de la Présidente de facto, la convocation d’une Assemblée constituante libre et souveraine, ainsi que justice et réparations pour les proches des personnes assassinées.

Face à cette situation, le CETIM a initié un travail d’articulation avec les mouvements sociaux péruviens pour saisir les instances onusiennes. En janvier 2023, la leader autochtone-paysanne Lourdes Huanca, fondatrice et présidente de la Federacion Nacional de Mujeres Campesinas, Artesanas, Indigenas y Asalariadas del Peru (FENMUCARINAP), s’est rendue à Genève dans le cadre d’une tournée européenne visant à dénoncer la brutalité du gouvernement péruvien et revendiquer justice. Toute une série d’activités et rencontres ont été organisées, offrant la possibilité à Lourdes Huanca de s’adresser à l’ONU pour démontrer le blocage du système judiciaire national et, ainsi, demander l’activation des mécanismes onusiens, en tant que voie de recours alternative face à l’emprise du pouvoir exécutif sur le système judiciaire péruvien .

Plusieurs mécanismes onusiens de droits humains (notamment les procédures spéciales de l’ONU) s’étant montrés concernés par la situation dans le pays, le CETIM, FENMUCARINAP, la Red Whipalas et l’association genevoise Quinto Suyo – Pérou ont élaboré et soumis une saisine (plainte). Cette dernière est adressée aux mécanismes onusiens spécialisés sur la situation des défenseurs des droits humains, sur les exécutions extra-judiciaires, sur la liberté d’association et de réunion pacifique, sur les droits des peuples autochtones, sur les formes contemporaines de racisme et sur la violence contre les femmes.

Cette action a porté ses fruits, vu que les mécanismes cités ci-dessus ont interpellé le gouvernement péruvien pour les violations dénoncées. Voir l’interpellation en espagnol.

En mai 2023, le gouvernement péruvien a donné suite à la saisine, en présentant une longue réponse à la plainte en espagnol.

La réponse se trouve actuellement en cours d’analyse par nos organisations. Dans l’éventualité d’une réponse non satisfaisante et/ou partielle, ou d’une réponse ne donnant pas de suite aux revendications en termes d’accès à la réparation, à la justice et aux garanties de non répétition, nous re-entamerons la procédure auprès des procédures spéciales. Les violations des droits humains ne doivent pas rester impunies.

La situation dans le pays reste alarmante. Le système judiciaire étant sous l’emprise de l’exécutif, les voies d’accès à la justice restent bloquées, et la répression des mouvements sociaux se poursuit. Entre-temps, la clique politique au pouvoir, celle la plus liée aux milieux d’affaires, profite de la crise pour faire avancer l’agenda prédateur néolibéral au profit des sociétés transnationales (STN). Ainsi, de nouvelles concessions pour l’exploitation des ressources naturelles du pays sont rapidement négociées et livrées aux STN. De plus, un nouveau projet de loi actuellement en cours de discussion au parlement vise à abroger les rares lois qui protègent les droits des peuples autochtones, dans le but manifeste de livrer la richesse de leurs territoires ancestraux aux transnationales.

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