Durcissement de l’embargo anti-cubain des États-Unis, nouvelle atteinte aux libertés

11/11/2004

1. Le gouvernement des États-Unis a récemment franchi un pas de plus dans sa politique agressive contre Cuba. Tout en réaffirmant qu’il n’excluait pas le recours à la force militaire pour préparer « le jour de la libération » et que l’armée états-unienne appuierait un « gouvernement provisoire de transition » post-« castro-communiste », George W. Bush vient d’approuver, le 6 mai dernier, un rapport de la « Commission pour l’aide à un Cuba libre », qui détaille une série de mesures durcissant l’embargo. Cet embargo unilatéral, injustifié et injustifiable, mis en place depuis 43 ans, vise à infliger le maximum de souffrances au peuple cubain – « causer la faim et le désespoir », selon les termes du Département d’État des États-Unis en 1959. Il a coûté d’incommensurables sacrifices au peuple cubain, et plus de 70 milliards de dollars de pertes infligées à l’économie cubaine1. La quasi unanimité des États membres de l’Assemblée générale des Nations Unies le condamnent. Cent soixante dix-neuf pays ont voté pour sa levée en 2003, mais trois contre : les Etats-Unis, Israël et les Iles Marshall.

2. Bien que renforcé par les lois Torricelli2 et Helms-Burton3, qui entravaient déjà les rapatriements de devises, les investissements étrangers et le tourisme à destination de l’île, le dispositif de contrainte arbitraire imposé par les États-Unis a échoué dans le blocage de la récupération de l’économie réelle et régulière depuis 1994. Le taux de croissance du PIB demeure, en moyenne, sur les dix dernières années, assez soutenu à Cuba4. Avec un PNB par habitant de seulement 2 712 dollars des Etats-Unis, selon les donnés de l’UNICEF5, ce pays a doté 99% de ses ménages urbains et 95% de ses ménages ruraux d’installations sanitaires adéquates.

3. En dépit d’innombrables effets néfastes, l’embargo n’est pas parvenu à faire fléchir ce pays. De toute évidence, l’embargo états-unien nie au peuple cubain le droit à l’autodétermination, veut briser sa volonté de construire son projet de société, autonome et souverain. L’important est de comprendre qu’en s’attaquant ainsi à Cuba, c’est aux libertés mêmes que s’attaque le gouvernement des États-Unis.

4. L’une des grandes nouveautés dans les mesures prises par le Président G. W. Bush réside dans le fait qu’elles portent désormais atteinte aux libertés des Cubains qui ont acquis la nationalité états-unienne et qui vivent aux États-Unis. Elles portent d’abord atteinte à leur liberté de circuler : les voyages à Cuba seront à présent soumis à une autorisation délivrée au cas par cas (au lieu de la permission générale accordée auparavant) et restreints à une visite tous les trois ans (contre une par an jusqu’ici). Mais elles constituent aussi une atteinte à leur libre choix de subvenir aux besoins de la famille élargie : les envois de devises vers Cuba voient en effet leurs plafonds considérablement réduits et leurs destinataires limités aux parents directs (enfants, conjoints, parents, frères, sœurs, grands-parents et petits-enfants uniquement), au mépris des liens affectifs et effectifs de solidarité (qui peuvent naturellement inclure des parents plus éloignés, des amis, des voisins, des collègues de travail…).

5. Par ailleurs, les autorités états-uniennes sont dorénavant habilitées à mener les « opérations secrètes » nécessaires pour identifier les personnes qui contreviendraient aux nouvelles réglementations et à récompenser tout individu qui collaborerait à leur interpellation. L’obtention de visas pour voyager à Cuba, qu’ils soient destinés à des particuliers ou des institutions, sera compliquée par des démarches administratives conçues pour être dissuasives. Le nombre de citoyens états-uniens condamnés à des sanctions pénales pour s’être rendus à Cuba sans autorisation de sortie du territoire, en très forte augmentation depuis l’arrivée au pouvoir du Président G. W. Bush, pourrait en conséquence encore s’accroître. Au moment même où l’administration cubaine assouplit les conditions d’entrée dans l’île (y compris pour les Cubains de l’immigration), les États-Unis entravent donc celles de sortie de leur territoire – en violation des accords migratoires signés dans le passé.

6. Le Président G. W. Bush a en outre déclaré qu’il entend désormais faire appliquer avec fermeté les sanctions prévues par la loi Helms-Burton de mars 1996. Le titre III de cette loi octroie aux tribunaux états-uniens le droit de juger et de condamner tout ressortissant d’un pays tiers (ainsi que sa famille) qui effectue des transactions avec Cuba. Son titre IV prévoit, entre autres, le refus de visas d’entrée sur le territoire des États-Unis à ces ressortissants étrangers (et à leur famille). Le contenu normatif de cet embargo -et surtout l’extraterritorialité de ses règles qui imposent à la communauté internationale des sanctions décidées unilatéralement par les Etats-Unis- représente une violation de la Charte des Nations Unies et des fondements du droit international en vigueur. L’extension de la compétence territoriale des Etats-Unis est tout simplement illégale. Nul besoin de démontrer qu’elle va à l’encontre du droit international en vigueur (violation du principe de souveraineté nationale et de non-intervention dans les choix intérieurs d’un autre Etat, etc.).

7. En outre, les mesures prises par l’exécutif états-unien afin de limiter la liberté de circulation des personnels et des connaissances scientifiques conduisent à intégrer dans le périmètre de l’embargo des domaines jusqu’à présent formellement exclus par la loi6. Seront ainsi systématisés : les refus de missions à Cuba de chercheurs états-uniens ; les refus de délivrance de visas aux chercheurs cubains (de même qu’aux fonctionnaires, y compris médecins) ; les refus de publication d’articles scientifiques d’auteurs cubains aux États-Unis ; les refus d’octroi de licences de logiciels ; les refus de satisfaire les commandes de bibliothèques cubaines en livres, revues, disquettes ou CD-Rom de littérature scientifique spécialisée… En réduisant les libertés d’exercer le métier de chercheur et d’échanger des informations scientifiques, c’est l’une des plus fécondes opportunités de développer sur une base solidaire et humaniste la coopération intellectuelle entre pays qui se trouve par là même condamnée. N’y a-t-il pas enfin contradiction à exiger des Cubains qu’ils renoncent à leurs droits civils et politiques et à leur emploi dans la fonction publique pour être autorisés à voyager à l’étranger et avoir des relations au niveau international ?

8. Dans le même temps, le gouvernement des États-Unis a annoncé le déblocage de 59 millions de dollars de fonds publics pour le soutien financier et logistique d’organisations non gouvernementales et d’individus chargés de « disséminer des informations » contre Cuba dans le monde. Un fonds spécial financera les visites à Cuba de « volontaires » pour y former et encadrer la « dissidence » sur l’île. Radio et TV « Martí » devraient prochainement bénéficier d’un transfert de quelques 18 millions de dollars, et voir un avion de l’armée états-unienne mis à leur disposition pour faciliter leurs transmissions depuis Miami – en violation des règles de l’Union internationale des Communications et de la souveraineté d’un Etat membre des Nations Unies.

9. L’embargo du gouvernement états-unien contre Cuba est illégal et illégitime. Il vise à détruire un peuple et de ce fait il constitue un acte de guerre non déclaré contre Cuba. Etant donné qu’il porte atteinte à l’intégrité physique et morale de tout un peuple, et d’abord de ses enfants et de ses personnes âgées, il est assimilable, en droit, à un crime contre l’humanité.

10. Le durcissement de l’embargo anti-cubain des États-Unis est une atteinte contre les libertés, celles des Cubains comme celles de tous les peuples du monde.

11. La Commission des droits de l’homme (CDH) a condamné à maintes reprises les mesures coercitives unilatérales. Dans sa résolution adoptée le 16 avril dernier, la CDH demande à tous les Etats de « s’abstenir d’adopter ou d’appliquer des mesures unilatérales qui ne sont pas conformes au droit international, au droit international humanitaire et à la Charte de l’ONU (…), de refuser aussi bien de reconnaître ces mesures que de les appliquer ». Elle leur demande aussi « de prendre des mesures administratives ou législatives efficaces, selon qu’il conviendra, pour contrecarrer l’application ou les incidences extraterritoriales des mesures coercitives unilatérales » .

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