Droit d’asile en Suisse et en Allemagne

11/11/1998

Monsieur le Président,

Force est de constater que la mondialisation et ses dérives économiques paupérisent une partie importante des habitants de la planète. Les capitaux, les biens, les services circulent librement, les êtres humains, non. Pourtant, il arrive un jour ou pour continuer à exister et subvenir aux besoins des siens, l’Homme part chercher ailleurs ce qu’il ne trouve plus chez lui. Ce choix aussi pénible soit-il, devient parfois une nécessité.

De même, lorsque l’instabilité politique, la répression et la guerre règnent sur un pays, la fuite ailleurs s’impose. Les systèmes juridiques et politiques tentent de bloquer les flux migratoires. Mais la réalité que vivent des millions d’individus dépasse cet état de fait. Vouloir le nier ou l’empêcher, revient à pratiquer la politique de l’autruche. Quand un espoir, aussi faible soit-il, de rompre avec une situation de désespoir pour soi et pour les siens existe, il est saisi. Qui n’en ferait pas autant ?

Monsieur le Président,

Depuis une quinzaine d’années, sous la pression des milieux xénophobes et racistes, le droit d’asile est constamment révisé à la baisse en Europe occidentale. A tel point qu’il n’est pas exagéré de dire que ce droit élémentaire est devenu une coquille vide, si on se réfère aux conditions d’admission imposées aux requérants d’asile.

Le 26 juin dernier, le parlement fédéral a adopté une révision de la loi qui réglemente l’asile en Suisse. Une application immédiate par arrêté urgent de certaines clauses a même été votée. Une fois de plus, la nouvelle codification signifie la volonté du législateur suisse de durcir et réviser à la baisse le droit d’asile.

Parmi les multiples dispositions qui ont été dressées par les parlementaires afin de limiter le séjour en Suisse par le biais de l’asile, nous nous permettrons de citer, ici, celles qui nous semblent illustrer à merveille le peu de compréhension qui anime le législateur suisse face à la souffrance et la détresse d’autrui.

Désormais, tout requérant doit présenter ses papiers d’identité. Or, chacun sait que les personnes menacées et celles provenant de pays en guerre ne peuvent que rarement sortir avec des papiers en règles. Selon la nouvelle loi, toute personne arrivée illégalement ou sans papiers se verra confrontée à une non-entrée en matière suivie d’une expulsion immédiate. Dans ce cas de figure, le délai de recours sera limité à 24 heures. En début de procédure, il est également laissé à l’appréciation du fonctionnaire d’examiner s’il existe des indices de persécutions suffisants.

Par ailleurs, en cas de guerre civile, la procédure est suspendue. Les requérants surnommés alors réfugiés de la violence ne peuvent obtenir alors qu’un statut précaire, révocable en tout temps par l’autorité. L’admission provisoire collective dont ils seront gratifiés ne leur reconnaîtra le droit qu’à un séjour limité, sans aucun espoir de construire une vie décente. Ainsi, pour un réfugié de la violence, les preuves de persécutions individuelles ne constitueront plus un critère valable d”entrée en matière.

De plus, la nouvelle loi prévoit la suppression de certaines garanties de procédure, concernant la langue, les délais et l’aide d’un mandataire. Pour les réfugiés et pour eux seuls, il n’y a plus de report des délais durant les fêtes de Noël, de Pâques et des vacances d’été. Le droit à ce que la décision soit rédigée dans la langue officielle du requérant ou de son mandataire est supprimé.

Par ces quelques exemples, le Centre Europe Tiers-Monde (CETIM) exprime son rejet de la politique d’asile remaniée par le parlement suisse et soutient fermement le référendum lancé contre la nouvelle loi du 26 juin 1998. Car, appliquer de telles dispositions revient à vider de sa substance le droit d’asile.

Par ailleurs, le Centre Europe Tiers-Monde (CETIM) est préoccupé par la situation des requérants d’asile en l’Allemagne. C’est pourquoi nous soutenons la récente action, lancée par des organisations des communautés d’immigrés et de réfugiés, pour combattre les mesures qui visent à démanteler le droit d’asile en Allemagne. Cette action, appuyée par une large coalition de la société civile allemande, prendra la forme d’une “Caravane pour les droits des réfugiés et des immigrés” qui sillonnera les Länder du 14 août au 20 septembre 1998.

Monsieur le Président,

Il est évident que la politique d’asile suivie par les gouvernements des pays d’Europe Occidentale est en contradiction avec l’esprit de la Convention relative au statut des réfugiés. C’est pourquoi le Centre Europe Tiers-Monde (CETIM) lance un appel solennel aux gouvernements européens afin qu’ils respectent le droit à la vie et à la dignité de ceux qui ont besoin de protection. Car bafouer le droit d’asile, c’est bafouer une part de notre humanité.

Catégories Cas Déclarations Droits économiques, sociaux et culturels DROITS HUMAINS
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