Libéralisation du commerce agricole: une nécessité incontournable ?

11/11/2002

Monsieur le Président,

Bien que fourmillant d’éléments intéressants, le document intitulé « Mondialisation et son impact sur la pleine jouissance des droits de l’homme » (E/CN.4/2002/54), présenté par le Haut-commisaire aux droits de l’homme, nous paraît ne pas oser poser les problèmes dans toute leur acuité dramatique, pas plus d’ailleurs que dans toutes leurs dimensions, qui ne sont pas qu’économiques et sociales, mais aussi culturelles, environnementales.

Pourquoi faudrait-il absolument adopter la « libéralisation du commerce agricole » comme un à priori positif, une nécessité incontournable et un dogme intouchable? Pourquoi ne pas dire clairement que, du point de vue de la promotion des droits humains essentiels, des mesures draconiennes de protection des petits agriculteurs s’imposent de façon impérative à l’échelle mondiale? Pourquoi ne pas reconnaître qu’il y a lieu d’adopter des règles en faveur de la petite agriculture familiale et à l’encontre de la grosse agriculture industrielle ou latifundiaire, par exemple?

Sur 1.3 milliards d’actifs agricoles dans le monde, seuls 30 millions possèdent un tracteur. Cela veut dire que 98% des paysans du monde n’ont accès à aucun engin motorisé -un bon tiers d’entre eux ne disposant même pas de traction animale .

Ces petits paysans -qui constituent, avec leur famille, près de la moitié de la population mondiale- réalisent une productivité NETTE 200, 300, 800, 1000 voire 1200 fois inférieure à celle d’un de leurs « collègues » bien équipés, peu importe à cet égard que ces derniers soient du Nord, ce qui est majoritairement le cas, ou du Sud.

De quels revenus les premiers devront-ils se contenter s’ils sont placés en situation de compétition avec les seconds -comme d’ailleurs bonne partie d’entre eux le sont déjà?

3/4 des victimes de la faim et de la malnutrition sur la planète se recrutent aujourd’hui déjà dans le monde rural, ce n’est pas un hasard!

Dans la vieille Europe, la migration des ruraux vers la ville, le transfert de la grande majorité des forces vives de l’agriculture vers l’industrie, les services, se sont développés sur deux bons siècles, et ce non sans de douloureuses et longues adaptations et un cortège de famines et de misères, par ailleurs. Comment peut-on imaginer qu’un tel processus puisse se dérouler sans catastrophe majeure en quelques années, voire même une génération? Est-ce d’ailleurs l’unique voie à suivre vers ce « progrès » ?

A titre d’exemple, dans son rapport de mission au Niger, le rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, M. Jean Ziegler relate les conséquences désastreuses de la privatisation de l’Office national vétérinaire sur le cheptel nigérien .

Pour conclure sur cette question, avant de s’acharner à vouloir « libéraliser le commerce agricole » et de se demander ensuite si cela est compatible avec les droits humains, n’y aurait-il pas lieu d’abord, si l’on veut avancer sur cette question cruciale, de libérer… les esprits de la « pensée unique »?!

Monsieur le Président,

L’application des embargos et des mesures coercitives unilatérales (ex. Irak et Cuba), en contradiction avec la Charte, constitue des obstacles à la jouissance des droits de l’homme.

Le CETIM est également vivement préoccupé par le comportement des sociétés transnationales (STN) qui ont tendance à se dérober de leur responsabilité, à coup d’amendes souvent ridicules, lors qu’il s’agit de poursuites judiciaires pour violations graves des droits de l’homme, comme l’a évoqué la rapporteuse spéciale sur la question des produits et déchets toxiques, Mme F.-Z. Ouhachi-Vesely dans son exposé oral devant la Commission des droits de l’homme dans le cas de l’entreprise néerlandaise Vos BV.

Je vous remercie de votre attention.

Catégories Cas Déclarations Droits des paysans DROITS HUMAINS
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