Examen périodique universel de la Turquie

11/11/2010

[Dans le cadre de sa séance du 21 mai 2012, le Comité de l’ECOSOC sur les ONG a pris acte du fait que la période de suspension de deux ans du statut consultatif du CETIM prendrait fin en juillet 2012. Lors de cette même séance, la Turquie (qui avait sollicité que cette sanction soit prononcée contre le CETIM) a déclaré qu’elle ne s’opposerait pas à la restitution au CETIM de son statut, tout en relevant le fait que le site internet du CETIM continuait à inclure les déclarations ou interventions litigieuses, qui selon la Turquie « violent la terminologie de l’ONU ». La Turquie a donc exigé que le CETIM prenne immédiatement les mesures nécessaires pour adapter le contenu de son site internet à la terminologie des Nations Unies. La Turquie a enfin annoncé qu’elle allait « suivre attentivement les activités du CETIM » et qu’elle se réservait le droit de solliciter à nouveau le retrait ou la suspension de son statut en cas de « nouvelles violations de la résolution 1996/31 ».

Au vu de ce qui précède, le CETIM tient à apporter expressément la précision suivante :
Dans toutes les déclarations ou interventions émanant ou souscrites par le CETIM portant sur les violations des droits humains dans ce pays, les termes :
1) « Kurdistan » ou « Kurdistan turc » (entité juridique reconnue en Irak et en Iran mais pas en Turquie) devront se lire « provinces kurdes de Turquie » ou « provinces du sud-est de la Turquie » et « Diyarbakir » devra se lire « chef-lieu » de ces provinces ;
2) « Guérilla kurde/Guérilleros » ou « Combattants kurdes » devront se lire « Forces armées non étatiques » ou « Groupes armés illégaux » (termes utilisés dans les documents et instruments internationaux).

Pour de plus amples informations, prière de se référer au dossier de défense du CETIM concernant la plainte de la Turquie à son encontre auprès du Comité des ONG de l’ONU en mai 2010.]

Contexte
La République de Turquie a été créée en 1923 sur la base d’exclusions et de discriminations. En effet, sa (première) constitution (1924) proclamait que ce nouvel Etat était composé d’un seul peuple (turc) et parlant une seule langue (le turc). Ces principes président encore aux destinées de ce pays. L’objectif déclaré des fondateurs de cet Etat était d’ailleurs l’édification d’une « nation pure turque » sur les ruines de l’Empire ottoman, sachant que la Turquie moderne manquait de bases solides pour constituer un Etat-nation et que l’Empire en question était basé sur l’unité confessionnelle (Islam) dont le Sultan était à la fois le chef politique et spirituel.

Parmi les principaux peuples composant l’Empire ottoman, les Arméniens et les Grecs avaient déjà été éliminés, expulsés (échanges de populations avec la Grèce) ou contraints à l’exil en grande partie au début du XXème siècle1. Le nouvel Etat turc s’est concentré sur l’assimilation du peuple kurde qui constituait le groupe homogène le plus important2. D’où la mise en place (dès 1930) d’une idéologie ad hoc et d’institutions pour magnifier la race turque. La civilisation turque y est affirmée comme mère de toutes les grandes civilisations et la langue turque comme l’origine des langues de ces civilisations: c’est « la thèse de l’histoire turque et la théorie de la langue-soleil »3. Cette idéologie servira de base pour nier l’existence du peuple kurde, de la langue kurde et du Kurdistan4. Conformément à cette idéologie, qui constitue encore la trame de la Turquie actuelle, les politiques d’assimilation et de répression ont été mises en oeuvre contre le peuple kurde avec leurs cortèges de graves violations des droits humains: massacres à grande échelle, disparitions forcées, tortures, viols, déportations massives, expropriations, assimilations, destructions (villages, forêts, cultures, cheptel), privation des droits fondamentaux…

Entre 1924 et 1945, la Turquie fut dirigée par un parti unique (le Parti populaire républicain, CHP). La langue kurde fut interdite dès 19245, tout comme les noms des lieux d’établissement et les prénoms kurdes. Il en est allé de même pour le droit à la liberté d’opinion et d’expression et d’association pour revendiquer les droits élémentaires du peuple kurde. Le Kurdistan turc fut déclaré zone interdite aux étrangers jusqu’au milieu des années 1960. Les autorités turques ont instauré la loi martiale au Kurdistan turc en 1978, suivit un coup d’Etat en 19806 avec état de siège. Ce dernier se transforma en état d’exception en 1987 dans les 13 provinces kurdes.
Aujourd’hui, bien que l’état d’exception soit levé officiellement, il perdure sous d’autres formes telles que des « zones de sécurité provisoire » et l’autorisation illimitée accordée aux forces de l’ordre pour effectuer des fouilles7.

C’est dans ce contexte que la lutte armée du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qualifiée par le gouvernement turc de 29ème révolte kurde en Turquie, intervient en 1984, suivie de soulèvements populaires au Kurdistan turc dans les années 1990. La réponse des autorités turques a été violente, autant à l’égard des défenseurs des droits humains, en particulier du peuple kurde, que contre les opposants au pouvoir en place. Selon les données de l’Association des droits de l’homme de Turquie (IHD), on compte, pour la période 1990-2008, plus de 5’000 assassinats politiques, 840 cas de disparitions forcées (non encore élucidés à ce jour), des dizaines de milliers d’arrestations massives et arbitraires, le recours à la pratique de la torture à grande échelle, des déportations de villages (3’848 selon les chiffres officiels) dont trois à quatre millions de paysans kurdes déplacés, le gazage au napalm des forêts, des cultures, du cheptel… imputables aux forces de l’ordre, à la milice kurde8 et aux groupes paramilitaires.

Malgré le discours d’ouverture du gouvernement turc et les pourparlers entamés depuis plusieurs mois avec la guérilla kurde, les violations des droits humains se poursuivent avec la même intensité. En effet, durant les neuf premiers mois de 2009, l’IHD a constaté environ 13’000 violations des droits humains au Kurdistan turc lors de 25’000 arrestations, 950 incarcérations, 70 exécutions sommaires et extrajudiciaires, 25 morts dues aux mines antipersonnel, près de 1’000 personnes soumises à la torture et aux mauvais traitements9.

La constitution actuelle de la Turquie (3ème édition) a été élaborée par les militaires, auteurs du coup d’Etat, et adoptée en 1982. A l’instar des précédentes, cette dernière nie aussi les droits fondamentaux du peuple kurde. Les articles 3, 42 et 66 prônent la supériorité et le monopole de la race et de la langue turques. L’article 4 déclare qu’aucune modification de l’article 3 ne pourra jamais être proposée. Le code pénal turc, emprunté à l’Italie fasciste de Mussolini, comporte encore de nombreux articles antidémocratiques qui sont utilisés comme une épée de Damoclès contre les Kurdes, les opposants politiques et les militants des droits humains.

Le concept officiel de la lutte « anti-terroriste » vise directement le peuple kurde. Chaque Kurde revendiquant son identité est considéré comme un opposant politique ou un « terroriste » potentiel. A titre d’exemple, les dirigeants et membres des partis pro-kurdes font systématiquement objet de répression (assassinats, enlèvements, arrestations, intimidations…)10. Ces partis sont par ailleurs régulièrement interdits. Leurs successeurs subissent le même sort. Le Parti pour une Société Démocratique (Demokratik Toplum Partisi, DTP), représenté à la Grande Assemblée de Turquie par 21 députés, milite pourtant pour la démocratisation de la Turquie et la reconnaissance de l’identité et des droits du peuple kurde. Cette année encore, 450 dirigeants, cadres et membres du DTP ont été incarcérés. Parmi eux, on compte les anciens et actuels élus (maires et conseillers municipaux notamment). D’autres sont poursuivis en justice, à l’instar des députés qui font objet – entre autres – de 200 procès, pour avoir parlé en public en kurde ! Récemment encore, le 21 octobre 2009, M. Resul Ilçin, membre du DTP, a été tué en garde à vue à Idil (sous-préfecture de Sırnak). Bien que la version officielle (police et gouverneur) avance que M. Ilçin serait décédé suite à une chute, les résultats de la première autopsie, effectuée à l’hôpital d’Etat de Diyarbakir (chef-lieu du Kurdistan turc), indiquent des coups et blessures sur la tête et différentes parties du corps de la victime11.

Dès lors, il n’est pas étonnant de voir que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ait condamné la Turquie 1’668 fois (entre 1998 et 2008) pour des violations graves des droits humains tel que le droit à la liberté et à la sûreté (329 fois) ou encore pour la pratique de la torture (144 fois)12.

Dans ce cadre, le constat fait en 1994 par M. Marc Galle, Parlementaire européen, garde encore toute son actualité : « la Turquie est un pays tenu mais non pas gouverné, au sens où nous l’entendons, c’est -à-dire par des institutions politiques reposant sur le suffrage populaire. Le phénomène totalitaire serait en Turquie un peu comme une vague qui se serait brisée sans qu’il y eût ensuite de ressac et dont les eaux continuent de stagner sur les rives. Ainsi, il n’est plus proéminent, mais demeure diffus dans les rouages de l’Etat sous la forme d’une sorte de dictature prétorienne rigoureusement protégée par la constitution qui lui sert de prétexte. »13

C’est dans ce contexte qu’il faut analyser les violations des droits humains en Turquie qui sont relatées dans la présente contribution.

• Droit à la vie et à la sécurité14
En 2008, 116 personnes ont été tuées en Turquie dont 37 suites aux tirs des forces de l’ordre (lors des manifestations, non observation de sommations ou exécutions sommaires et extrajudiciaires), 45 dans les lieux de détention (sous la torture, les mauvais traitements ou privation de soins médicaux) et 34 par des « personnes non identifiées »15. Depuis 2000, le nombre de personnes tuées pour les motifs mentionnés ci-dessus s’élève à 829.

Cette tendance macabre est plutôt à la hausse (70 exécutions au Kurdistan turc depuis début de l’année 2009), étant donné que la modification de la loi n° 5681 sur la fonction et le pouvoir de la police (Polis Vazife ve Salahiyet Kanunu) en juin 2007 facilite l’usage aux armes à feu et le recours à la force disproportionnée des forces de l’ordre. S’ajoute à cela les victimes de mines antipersonnel (un million de mines posées par l’armée dans le Kurdistan turc). En effet, entre 2002 et 2008, 289 personnes, dont une majorité d’enfants, ont été tuées et 684 autres blessées par l’explosion de ces mines.

Outre les disparitions forcées relatées plus haut, les forces de l’ordre ont recours de plus en plus à la pratique de la torture et aux mauvais traitements, non seulement dans les lieux de détentions, mais aussi lors de contrôles d’identité et de fouilles et lors de transfert de suspects dans les véhicules de la police. En 2008, l’IHD a recensé 1’546 cas de torture et de mauvais traitements dont un bon tiers de ces cas se sont déroulés hors de lieux de détention officiels.

• Droit à la liberté d’opinion et d’expression
L’article 301 du Code pénal turc16 est fréquemment utilisé pour restreindre la liberté d’opinion et d’expression. Il n’est pas le seul, étant donné que 14 autres articles17 et la loi anti-terroriste (loi n° 3713) sont interchangeables avec l’article 301 pour le même objectif. Les lois sur les délits à l’égard d’Atatürk (loi n° 5816)18, les médias (lois n°5187 et n° 4676) et les partis politiques (loi n° 2820) sont également fréquemment utilisées dans le même but19.
En 2008, l’IHD a recensé: la descente et la perquisition par la police dans 103 locaux d’associations, de syndicats et de partis politiques ; la confiscation et l’interdiction de 100 titres et publications (journaux, périodiques, livres, émissions télévisées, etc.) ; la poursuite en justice de 2’641 personnes pour avoir exercé leur droit à la liberté d’opinion et d’expression. A l’issue de 177 procès, 380 personnes ont été condamnées au total à 432 ans, sept mois et cinq jours d’emprisonnement et à 321’847 livres turques20 d’amendes21.
Cette tendance se poursuit en 2009. En effet, durant les trois premiers mois de 2009, 110 personnes, dont 60 journalistes, ont été poursuivies en justice22. Actuellement, huit directeurs de publication et 33 journalistes et écrivains sont toujours emprisonnés en Turquie.
Un exemple parmi tant d’autres: arrêté à Istanbul le 30 septembre 2009 à Istanbul, M. Murad Akincilar (47 ans, secrétaire syndical à Unia à Genève) a été incarcéré le 4 octobre 2009 en vertu de la loi anti-terroriste turque. Economiste, syndicaliste, formateur et écrivain, M. Akincilar est un intellectuel turc qui milite pour le respect des droits humains et la démocratisation de son pays. En Turquie, il collabore, entre autres, avec Özgür Üniversité (Université libre), Iktisat Dergisi (la Revue économique), l’annuaire du syndicat Petrol-Is, le Forum social de la Mésopotamie et la revue Transformation démocratique. Dans un récent article paru dans cette dernière publication, M. Akincilar analyse les politiques des autorités turques à l’égard des mouvements sociaux et du mouvement populaire kurde dans le contexte de la crise économique23.
La Plate-forme de solidarité avec les journalistes détenus en Turquie (TGDP) s’est mobilisée en sa faveur et déclare : « Le fait de mépriser le professionnalisme des journalistes opposants au régime, accuser sans aucun fondement ces derniers d’être ‘membres d’organisations terroristes’ et de vouloir les réduire au silence sont des politiques traditionnelles de l’Etat [turc, ndr]. En tant que Plate-forme de solidarité avec les journalistes détenus, nous protestons vivement contre ce genre de pratique et toutes répressions à l’égard des journalistes opposants
au régime. Nous réclamons la libération de Murad Akincilar et de tous les journalistes détenus ainsi que l’abrogation de l’art. 301 du code pénal (loi anti-terroriste). »24

• Libertés religieuses et linguistiques
Le Traité de Lausanne (1923), acte fondateur de la République de Turquie actuelle25, est très clair quant aux libertés religieuses et linguistiques: « Le gouvernement turc s’engage à accorder à tous les habitants de la Turquie pleine et entière protection de leur vie et de leur liberté, sans distinction de naissance, de nationalité, de langue, de race ou de religion. Tous les habitants de la Turquie auront droit au libre exercice, tant public que privé, de toute foi, religion ou croyance dont la pratique ne sera pas incompatible avec l’ordre public et les bonnes moeurs. » (art. 38). Pourtant, dans son interprétation unilatérale officielle, le gouvernement turc ne reconnaît que les droits confessionnels et linguistiques de trois communautés, à savoir grecque, arménienne et juive qui sont basées principalement à Istanbul. Et dans la pratique, ces communautés jouissent de leurs droits fondamentaux de manière limitée et sont soumises à diverses répressions avec pour conséquence une diminution constante de leur nombre26.
Par ailleurs, bien que la Turquie moderne ait aboli le système du califa et consacré le principe de la laïcité dès sa première constitution, les autorités turques ont créé en parallèle un Ministère du Culte qui, dans les faits, ne fait que promouvoir l’islam sunnite au détriment d’autres confessions27.

• Impunité
Il est extrêmement rare de voir des membres des forces de l’ordre qui commettent des graves violations des droits humains (assassinats et tortures en particulier) condamnés par la justice turque. Pire, certaines décisions de la justice ont tendance à encourager les violations des droits humains comme en témoignent les exemples suivants.
De nombreuses plaintes contre la pratique de la torture sont tout simplement classées sans suite comme le cas du mineur C. E. (16 ans), arrêté lors des festivités de Newroz (nouvel an kurde) en mars 2008 à Hakkari et torturé en garde à vue; au contraire, C. E. est poursuivi par la justice turque pour appartenance à une « organisation terroriste » avec une demande de 30 ans de prison28.
Le 21 septembre 2009, la Cour de cassation a acquitté un officier de l’armée (G. Y.), qui avait tué un passant (M. Abdullah Aydan) en 2005 alors qu’il tirait sur les manifestants à Siirt, arguant qu’il fallait tenir compte de la « particularité de la région » [Kurdistan turc]…29 Il en a été de même pour l’assassinat de M. Ahmet Kaymaz et son fils Ugur (12 ans), criblés de balles devant leur logement le 21 octobre 2004 à Kiziltepe (Mardin), pour lequel la Cour de cassation a conclu (19 juin 2009) à la « légitime défense » des forces de l’ordre…30
D’ailleurs, le Ministre de l’Intérieur reconnaît lui-même que 98 % des plaintes, administratives et judiciaires, déposées entre 2003 et 2008 à l’égard des membres de forces de l’ordre, ont abouti à des acquittements ou à des classements.

• Droits de l’enfant
Si les enfants en Turquie sont privés de nombreux droits humains (le droit à l’éducation, à la santé et au logement entre autres), les défenseurs des droits humains sont particulièrement préoccupés par le sort réservé aux enfants emprisonnés et poursuivis en justice en vertu de la loi anti-terroriste. En effet, entre 400 (selon les chiffres officiels) et 700 (selon les observateurs) enfants ont subi des mauvais traitements en garde à vue dans la seule province de Diyarbakir et la plupart d’entre eux ont été incarcérés. Dans d’autres provinces, les enfants auraient été même torturés en garde à vue31.

Suite à la modification de la loi anti-terroriste en 2006, mais aussi en vertu des articles 22032 et 34033 du code pénal turc, 1’572 enfants ont été traduits devant les tribunaux. 250 enfants, entre 12 et 15 ans, sont à ce jour en détention préventive et sont jugés à la Cour d’assise, avec des demandes de peine allant jusqu’à 40 ans de prison, pour avoir lancé des pierres contre les forces de l’ordre ou fait le symbole de la victoire lors des manifestations34. A titre d’exemple, la 4ème Chambre de la Cour d’assise de Van a condamné en mars dernier Yakup Turgut (15 ans au moment de son arrestation en 2006) à 90 ans de prison pour être impliqué dans l’attentat contre un poste de police à Van en 2006, bien que les auteurs de cet attentat aient été arrêtés par la suite35. Quant à la Cour d’assise d’Adana, avec la récente condamnation de deux mineurs, M. C. et M. A. (16 et 17 ans condamnés à quatre ans et deux mois chacun), elle a condamné jusqu’ici 103 enfants kurdes à un total de 477 ans et huit mois de prison36.

• Droits syndicaux37
Les droits syndicaux ne sont pas encore pleinement reconnus en Turquie. Les syndicats doivent obtenir une autorisation officielle pour organiser des réunions ou des rassemblements, et laisser la police y assister et enregistrer leurs débats. Les grèves de solidarité, les grèves générales, les grèves perlées et les occupations de lieux de travail sont toujours interdites. Des peines graves, de prison notamment, sont prévues en cas de participation à ces grèves. Toute grève non convoquée par un conseil exécutif syndical est interdite. Les grèves pour non-respect des conventions collectives du travail sont aussi interdites.

Les travailleurs syndiqués et les dirigeants syndicaux sont soumis à de fortes pressions autant de la part des employeurs du secteur privé que de la part du gouvernement. Si les premiers ont fréquemment recours au licenciement collectif de travailleurs syndiqués pour affaiblir ou détruire les syndicats, le deuxième a tendance à créer des syndicats jaunes à sa solde.
A titre d’exemples, en janvier 2008, la direction de Çaykur Enterprise, qui exploite 52 usines à travers la Turquie, a entamé des manoeuvres pour forcer les travailleurs à adhérer à un syndicat connu pour être proche du gouvernement. Sur un effectif total de 14’000 employés, environ 9’500 étaient affiliés au syndicat TEKGIDA-Is, qui représentait les travailleurs de cette entreprise aux négociations collectives depuis plus de 50 ans. Le ministère du Travail a dépouillé TEKGIDA-Is de ses droits de négociation collective et a transmis ceux-ci au syndicat jaune.

Durant l’année écoulée, la Confédération syndicale des travailleurs de la fonction publique de Turquie (KESK) relève une recrudescence de la persécution à l’encontre des membres de son exécutif et des dirigeants de sections. Ainsi, plus de 600 de ses membres ont dû se soumettre à des « enquêtes disciplinaires » pour avoir pris part à des activités syndicales. A l’heure actuelle, 22 dirigeants de ce syndicat sont incarcérés.

Au cours de l’année 2008, de nombreuses entreprises privées ont licencié des travailleurs pour leur participation aux activités syndicales. A titre d’exemple, 116 travailleurs, tous affiliés au Syndicat des travailleurs des coopératives et des bureaux (KOOP-Is), ont été congédiés pour leur participation aux activités syndicales dans les magasins Praktiker, Bauhaus, Ikea et Adese à Istanbul, Ankara, Izmir, Adana, Gaziantep et Konya.
Par ailleurs, il faut souligner que la législation turque sur la sécurité de l’emploi ne s’applique qu’aux entreprises dotées d’un effectif de 30 salariés minimum. Par le jeu du recours à la sous-traitance et aux contrats à durée déterminée, près de 95% des lieux de travail comptent moins de 30 salariés.

• Recommandations
Pour le respect des droits humains, la lutte contre l’impunité et pour la prévention des violations aux droits humains, nous recommandons au gouvernement turc, de concert avec les organisations de défenses des droits humains en Turquie, de prendre les mesures suivantes:

1) le respect et la pleine application des normes internationales des droits humains et notamment des Pactes et Conventions dont la République de Turquie est partie ;
2) la mise en oeuvre immédiate des recommandations des organes de traités des Nations Unies et la mise en conformité de sa législation suivant les jugements rendus par la Cour européenne des droits de l’homme ;
3) la modification de la constitution de 1982, de sorte que l’exclusion ethnique, culturelle et religieuse prenne fin et que la protection de tous les droits humains pour tous soit assurée ;
4) l’abrogation de toutes les lois niant l’identité, la langue et la culture kurde et la réhabilitation de l’enseignement et de l’usage de la langue kurde, y compris la restitution des noms des lieux d’établissement et des prénoms kurdes ;
5) l’utilisation de la langue kurde en tant que langue officielle au Kurdistan turc et dans des régions où la population kurde constitue un groupe important ;
6) la modification de la loi sur les partis politiques, notamment la baisse du quorum des voix obtenues (de 10 % à 5 %) pour la représentation à la Grande Assemblée ;
7) l’arrêt de la répression à l’encontre du parti pro-kurde DTP ;
8) l’abrogation de toute disposition législative, notamment la loi anti-terroriste, s’opposant à la liberté d’opinion et d’expression ;
9) l’arrêt des opérations militaires au Kurdistan turc, la levée de toutes les mesures d’exception dans cette région et la poursuite des pourparlers entamés entre le gouvernement turc et le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) pour trouver une issue pacifique à la question kurde en Turquie ;
10) la proclamation d’une amnistie générale inconditionnelle pour tous les prisonniers politiques et les combattants du PKK et l’établissement des conditions nécessaires pour leur intégration dans la société ;
11) l’abolition du système des gardiens de village (milice Kurde) qui est à l’origine de nombreuses violations des droits humains ;
12) la création des conditions nécessaires (sécurité et indemnisation en particulier) pour le retour des paysans kurdes déplacés ;
13) le déminage du Kurdistan turc afin que les terres puissent être dévolus, à l’agriculture et à l’élevage ;
14) la création d’une commission vérité, avec la participation des représentants de la société civile, qui enquêterait sur les graves violations des droits humains (assassinats politiques, disparitions forcées, cas de torture, destruction des villages et déplacements forcés des paysans en particulier) et jugerait leurs auteurs.

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