Effets de la dette et des obligations financières des Etats sur les droits humains

11/11/2013

Madame la Présidente,
Nous félicitons M. Cephas Lumina, l’Expert indépendant chargé d’examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme, particulièrement des droits économiques, sociaux et culturels, pour son rapport intéressant sur l’impact négatif sur la jouissance des droits humains du non rapatriement des fonds d’origines illicites1.

Ce rapport permet de comprendre la situation d’étranglement dans laquelle se trouvent aujourd’hui la plupart des pays du Sud, dont les pays dits les moins avancés. Leur économie a été littéralement disloquée par l’application durant des décennies des programmes d’ajustement structurel, réduisant presque à néant leur marge de manœuvre politique, économique et sociale et provoquant des violations massives des droits humains. De plus, une large partie des flux économiques générés par l’activité nationale dans ces pays repartent à l’étranger de façon illicite. Le processus est complexe, difficile à évaluer précisément et les complicités sont nombreuses (élites nationales corrompues, rôle des banques internationales, sous-enchères fiscales, etc.).

Selon une estimation du PNUD, mentionnée par l’Expert indépendant : pour chaque dollar reçu au titre de la coopération internationale, 60% ressort du pays sous forme de flux illicite. Pour 11 pays les moins avancés, le montant total des pertes liées aux flux illicites a dépassé le total de l’aide au développement reçue. En faisant abstraction à la volonté politique des États, comment voudrait-on, dans ce cas, que ces pays puissent lutter efficacement contre la pauvreté, les injustices sociales et mettre en œuvre effectivement les droits humains ?

L’Expert indépendant met cependant bien en évidence le fait que cette situation n’est pas une fatalité. Répondant aux besoins intrinsèques de l’accélération de la mondialisation néolibérale, les États ont toléré, voire appuyé, la création de mécanismes extrêmement complexes permettant, entre autres, la fraude et l’évasion fiscale, rendant presque impossible (ou anecdotique) le rapatriement des avoirs illicites. De plus, le décalage entre les limites et entraves de la justice nationale et les moyens de la finance internationale (y compris illicites) est quasiment abyssal.

Nous encourageons l’Expert indépendant à poursuivre ses recherches dans ce sens et plus particulièrement à faire la lumière sur les stratégies mises en œuvre par des sociétés transnationales visant à ne pas payer d’impôts ou à ne payer qu’une infime partie des impôts sur les bénéfices, par exemple.

Nous recommandons également à l’Expert indépendant à se pencher sur la taxation financière internationale, en insistant sur le fait que seule l’échelle mondiale est pertinente. A ce propos, la proposition portée depuis une dizaine d’année par l’organisation ATTAC commence à faire partie du discours politique mondial. Il s’agit de la taxe dite Tobin consistant à taxer les transactions monétaires. Elle est au cœur de la mondialisation néolibérale et peut devenir un outil puissant pour combattre en particulier les spéculations boursières.

A titre de conclusion, faut-il rappeler qu’en vertu de la Charte de l’ONU et le droit international en matière de droits humains, les États sont tenus de coopérer entre eux et de prendre des mesures qui s’imposent afin de prévenir toute violation de droits humains engendrée par leurs propres activités et celles des personnes physiques et morales relevant de leur juridiction, autant sur leurs territoires qu’à l’étranger.

Genève, le 7 mars 2013

Catégories Cas Déclarations Droits économiques, sociaux et culturels DROITS HUMAINS
Étiquettes
bursa evden eve nakliyat