Déplacements forcés des paysans kurdes en Turquie

11/11/2004

[Dans le cadre de sa séance du 21 mai 2012, le Comité de l’ECOSOC sur les ONG a pris acte du fait que la période de suspension de deux ans du statut consultatif du CETIM prendrait fin en juillet 2012. Lors de cette même séance, la Turquie (qui avait sollicité que cette sanction soit prononcée contre le CETIM) a déclaré qu’elle ne s’opposerait pas à la restitution au CETIM de son statut, tout en relevant le fait que le site internet du CETIM continuait à inclure les déclarations ou interventions litigieuses, qui selon la Turquie « violent la terminologie de l’ONU ». La Turquie a donc exigé que le CETIM prenne immédiatement les mesures nécessaires pour adapter le contenu de son site internet à la terminologie des Nations Unies. La Turquie a enfin annoncé qu’elle allait « suivre attentivement les activités du CETIM » et qu’elle se réservait le droit de solliciter à nouveau le retrait ou la suspension de son statut en cas de « nouvelles violations de la résolution 1996/31 ».

Au vu de ce qui précède, le CETIM tient à apporter expressément la précision suivante :
Dans toutes les déclarations ou interventions émanant ou souscrites par le CETIM portant sur les violations des droits humains dans ce pays, les termes :
1) « Kurdistan » ou « Kurdistan turc » (entité juridique reconnue en Irak et en Iran mais pas en Turquie) devront se lire « provinces kurdes de Turquie » ou « provinces du sud-est de la Turquie » et « Diyarbakir » devra se lire « chef-lieu » de ces provinces ;
2) « Guérilla kurde/Guérilleros » ou « Combattants kurdes » devront se lire « Forces armées non étatiques » ou « Groupes armés illégaux » (termes utilisés dans les documents et instruments internationaux).

Pour de plus amples informations, prière de se référer au dossier de défense du CETIM concernant la plainte de la Turquie à son encontre auprès du Comité des ONG de l’ONU en mai 2010.]

Monsieur le Président

Selon les autorités turques, 3848 villages et hameaux kurdes ont été évacués pour des raisons de « sécurité » entre 1989 et 1998 et 400’000 paysans kurdes ont été déplacés1. Les sources indépendantes affirment quant à elles que 3 à 4 millions de personnes ont été déplacées par l’armée turque. Cette dernière a détruit totalement ou partiellement des villages, tout en minant leurs alentours afin d’empêcher le retour des paysans.

A ce jour, la plupart de ces millions de personnes déplacées sont dans une situation très précaire. Etablies dans les banlieues des grandes villes au Kurdistan turc ou dans des métropoles turques, ces déplacées sont confrontées aux problèmes d’alimentation, de santé, de logement, de chômage et de sécurité. Certaines d’entre elles vivent encore sous des tentes. Des épidémies ont fait exploser la mortalité enfantine2.

Bien que la guérilla kurde ait décrété un cessez-le feu unilatéral, en se retirant du Kurdistan turc depuis août 1999, et qu’il n’y ait presque plus de combat dans la région, les autorités turques continuent d’empêcher le retour des paysans kurdes dans leurs villages.

A titre d’exemple, dans la province de Van, 1050 paysans ont déposé une requête auprès du préfet demandant des indemnisations et le retour dans leur village. En réponse, le préfet a non seulement refusé toute indemnisation des paysans, mais les a contraints à inclure dans leur requête cette allégation mensongère selon laquelle leur village aurait été brûlé par des terroristes et non par l’armée turque3.

Faut-il rappeler que la Cour européenne des droits de l’homme a condamné à plusieurs reprises le gouvernement turc pour les exactions de son armée à l’égard des paysans kurdes ? Pour sa part, le Représentant du Secrétaire général sur les personnes déplacées dans leur propre pays a réclamé la suppression du système de gardien de village qui reste le principal obstacle au retour des paysans déplacés. A travers ce système, les paysans kurdes sont enrôlés pour servir d’appui à l’armée turque dans sa guerre contre la guérilla.

Le Ministère de l’intérieur turc lui même affirme qu’environ 60’000 gardiens de village4 sont toujours mobilisés dans 22 provinces du Kurdistan turc5. Armés et payés par le gouvernement, ils font régner la terreur dans la région, s’accaparant les biens et les terres des paysans déplacés. Ces gardiens de village sont d’ailleurs impliqués dans de nombreux crimes.

Monsieur le Président,
Force est de constater qu’à ce jour le gouvernement turc n’a mis en œuvre aucune des recommandations du Représentant spécial du Secrétaire général sur les personnes déplacées qui s’est rendu en Turquie il y a deux ans.

Il est urgent que la Commission des droits de l’homme demande au gouvernement turc d’honorer ses engagements internationaux en appliquant les recommandations du Représentant spécial qui sont entre autres :

– la suppression du système de gardiens de village et leur désarmement ;
– le déminage de la région ;
– l’indemnisation des personnes touchées par la violence dans la région ;
– le retour des paysans déplacés dans leur village, sans que les forces de sécurité les en empêchent.

Catégories Cas Déclarations Droits des paysans DROITS HUMAINS
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