Les profits contre la vie : Un Traité sur les plastiques déjà mort-né

14/08/2025

COMMUNIQUE DE PRESSE DU CETIM

Genève, 14 août 2025

Du 5 au 14 août 2025, la cinquième session de négociation sur le Traité international contre la pollution plastique s’est réalisé au Palais des Nations à Genève. Alors que les négociations autour de cet instrument juridique approchent de leur conclusion, le CETIM souhaite partager ses réflexions et exprimer ses préoccupations concernant ce processus. En effet, malgré l’urgence planétaire de la crise de la pollution plastique, tout indique que les intérêts économiques et commerciaux des sociétés transnationales (STN) et de certains États producteurs l’emporteront sur la protection de nos vies et de l’environnement.

La crise plastique est d’une ampleur sans précédent et elle constitue aujourd’hui l’un des défis environnementaux les plus pressants. Chaque année, des millions de tonnes de déchets plastiques finissent dans les océans, les sols et l’air, menaçant la biodiversité, la santé humaine et les équilibres écologiques. Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) estime qu’en 2024, la consommation mondiale de plastiques devait dépasser les 500 millions de tonnes, générant environ 400 millions de tonnes de déchets. Dans un scénario inchangé, les déchets plastiques pourraient tripler d’ici 20601.


Qui sont les responsables de la pollution plastique

Si les consommateurs sont souvent pointés du doigt, le rôle des STN est central dans cette problématique : elles dominent la production mondiale de plastique vierge, conçoivent et commercialisent des produits à usage unique, et externalisent souvent les coûts environnementaux vers les pays aux réglementations moins strictes. Par leurs chaînes d’approvisionnement mondialisées, elles perpétuent un modèle économique qui alimente la dépendance au plastique. Les solutions avancées par les pouvoirs dominants se limitent à des initiatives de recyclage, à l’introduction d’emballage « écologique », le tout édulcoré par l’adoption des normes volontaires. Or, ces mesures demeurent insuffisantes pour inverser la tendance car elles s’inscrivent fréquemment dans une logique de « greenwashing », offrant l’illusion d’un changement tout en évitant les transformations profondes et structurelles du modèle de production et de consommation qui seraient nécessaires pour réduire de manière significative l’empreinte plastique mondiale.

Les négociations en cours, initiées avec l’espoir d’avancer vers l’élaboration d’un instrument juridiquement contraignant couvrant l’ensemble du cycle de vie des plastiques, se sont malheureusement enlisées. Un point de discorde majeur demeure l’inclusion de mécanismes de responsabilisation juridiquement contraignants pour la réduction de la production de plastique.


Les STN
autour de la table mais absentes du traité

Nous assistons à une tentative flagrante de vider ce traité de sa substance. Les grandes sociétés transnationales pétrochimiques et leurs puissants lobbies dictent les règles du jeu diplomatique afin de maintenir le status quo et leur déresponsabilisation, alors qu’elles augmentent leur capacité de production et engrangent des profits colossaux.

Depuis le début des pourparlers en novembre 2022, sept grandes STN – Dow, ExxonMobil, BASF, Chevron Phillips, Shell, SABIC et INEOS – ont envoyé 70 lobbyistes aux négociations. Lors de la cinquième session (INC-5.2), 234 lobbyistes des combustibles fossiles étaient présents, constituant la plus grande délégation, surpassant même l’Union Européenne et ses États membres2. Pendant ce temps, ces sept STN ont produit l’équivalent de 6,3 millions de camions poubelles de plastique et augmenté leur capacité de production de 1,4 million de tonnes. Dow, à elle seule, a fait un bénéfice d’environ 5,1 milliards de dollars grâce aux plastiques tout en faisant pression pour affaiblir le traité3.

Cette influence indue (corporate capture, en anglais) vise à détourner l’attention vers des fausses solutions, tout en refusant de s’attaquer à la production excessive à la source, garante de leurs profits. Le plastique, étant à 99 % dérivé du pétrole et du gaz4, il est devenu un pilier du modèle de croissance des grandes compagnies pétrolières et un modèle de développement pour les États producteurs de pétrole.

La dernière version du projet de Traité sur le plastique proposé par la Présidence5, sous l’emprise des lobbies des STN, est si faible qu’il ne permettra ni de mettre fin à la pollution plastique, ni de protéger la santé humaine et l’environnement. Il s’agit du niveau d’ambition le plus bas possible, qui ignore la grande majorité des propositions de la société civile et de certains États qui ont soutenu des mesures concrètes au cours des trois dernières années de négociation. Le texte actualisé édulcore toute mention de la réduction de la production de plastique, des contrôles sur les produits chimiques nocifs et affaiblit, entre autres, les dispositions sur la transition juste. Un Traité ambitieux doit imposer une réduction contraignante et mesurable de la production de plastique à l’échelle mondiale. Il est également impératif d’intégrer des mécanismes robustes de responsabilisation juridique des STN, garantissant que les pollueurs soient tenus légalement responsables des dommages environnementaux et sociaux qu’ils causent.

Les enjeux sont colossaux. Sans une forte volonté politique et un rapport de force en faveur de l’intérêt général, les négociations déboucheront sur un texte vidé de son sens. Dans ce cadre, il est inacceptable que les principaux pollueurs soient autorisés à façonner le futur Traité censé mettre fin à la pollution qu’ils génèrent. Les États doivent prendre des mesures contre ces derniers et imposer un Traité contraignant qui puissent inverser le statu quo, contribuant à la justice sociale et environnementale.


La lutte contre l’impunité des STN : une lutte de longue haleine

Le CETIM rappelle son engagement de longue date contre l’impunité des STN et pour l’accès à la justice des victimes et communautés affectées par les violations. Cette lutte se porte non seulement sur le terrain, mais également au niveau du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, où depuis 2014 un Groupe de travail inter-gouvernemental ad-hoc négocie l’élaboration d’un Traité contraignant des Nations Unies sur les sociétés transnationales et les droits humains.

Depuis, le CETIM, en tant que coordinateur de la « Campagne mondiale pour revendiquer la souveraineté des peuples, démanteler le pouvoir des transnationales et mettre fin à leur impunité », plaide activement pour cet instrument qui vise à combler les lacunes juridiques en matière de responsabilisation des STN pour les violations des droits humains. Les principes clés de ce Traité – tels que l’établissement d’obligations de respect des droits humains pour les STN, les mécanismes de prévention des violations et de sanctions en cas de non respect, ou encore l’accès aux recours pour les victimes – sont essentiels aussi dans le cadre de la négociation du Traité sur les plastiques.

Le CETIM continuera à soutenir activement ces processus et luttes en faveur de la justice sociale et environnementale, aux côtés des mouvement sociaux et organisations engagées, afin que l’intérêt général prime sur les profits privés.

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Notes:

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