Dans son rapport présenté à la 58e session du Conseil des droits de l’homme (24 février – 4 avril 2025)1, M. Michael Fakhri, Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation de l’ONU propose des pistes pour une transformation des systèmes alimentaires industriels, devenus néfastes.
Dans son rapport, le Rapporteur spécial met en lumière les effets de la dette souveraine sur les politiques budgétaires et les systèmes économiques inégaux qui affectent la capacité des États à garantir le droit à l’alimentation. Il démontre comment la structure actuelle du financement international, couplée à la concentration du pouvoir économique entre les mains de quelques multinationales agroalimentaires, entrave les efforts des gouvernements pour mettre en place des systèmes alimentaires résilients, équitables et durables. Il critique par ailleurs l’initiative de « réaffectation des budgets nationaux » de la Banque mondiale, qui vise à exclure toute initiative étatique (recherche, infrastructures rurales) dans ce secteur.
Selon son analyse, malgré une production alimentaire largement suffisante pour nourrir l’ensemble de la population mondiale, « une personne sur onze souffre de la faim, tandis qu’un tiers de la production alimentaire mondiale est perdue ou gaspillée » (§ 23). Cette situation n’est pas due à une pénurie de ressources, mais à des choix économiques et politiques qui maintiennent une répartition inégale des richesses et entravent un accès équitable à l’alimentation. Le Rapporteur spécial rappelle que la faim est une violation des droits humains et qu’elle découle souvent de politiques inadaptées qui favorisent les intérêts financiers aux dépens des populations.
Le Rapporteur spécial illustre comment, en période de crise économique, les gouvernements doivent choisir entre honorer leurs obligations financières et assurer l’accès à la nourriture pour leur population. Dans de nombreux cas, ces arbitrages se traduisent par des coupes budgétaires dans les subventions alimentaires, un affaiblissement des filets.
de sécurité sociale et la privatisation des terres agricoles afin de générer des revenus supplémentaires. Or, ces politiques creusent davantage les inégalités et exposent les populations vulnérables à un risque accru d’insécurité alimentaire.
Le Rapporteur spécial fustige les effets néfastes des systèmes agricoles industriels qui reposent sur l’exploitation intensive des ressources naturelles, l’utilisation massive de pesticides et d’engrais chimiques et la monoculture à grande échelle. Bien que ce modèle ait permis d’augmenter la production à court terme, il contribue à la dégradation des sols, à la déforestation et à l’épuisement des ressources en eau. En outre, il rend les systèmes alimentaires vulnérables face aux changements climatiques, exposant davantage les récoltes aux sécheresses, aux inondations et aux catastrophes naturelles. En résumé, il souligne que : « les systèmes alimentaires industriels ont été conçus et développés pour générer des profits au détriment de la santé humaine et environnementale. » (§ 25)
Se voulant « un guide pour les pays désireux d’élaborer des plans nationaux » (§ 8), le rapport contient une série de recommandations visant à transformer les systèmes alimentaires industriels et à garantir un financement équitable et durable du droit à l’alimentation avec le passage : « a) de l’agriculture industrielle à l’agroécologie ; b) de la priorité donnée aux marchés mondiaux au soutien apporté aux marchés territoriaux ; c) de la dépendance à l’égard des entreprises à un soutien plus marqué aux entités de l’économie sociale et solidaire ; d) d’un multilatéralisme fondé sur un modèle de gouvernance multipartite à un multilatéralisme fondé sur la solidarité et la souveraineté alimentaire. »
Pour le respect du droit à l’alimentation, les États doivent éviter, entre autres, « l’expropriation à grande échelle de terres agricoles à des fins de développement industriel » et « réglementer les pouvoirs des entreprises et des particuliers afin que ces tiers ne portent pas atteinte au droit à l’alimentation et ne le menacent pas. » (§ 89) Ils doivent par ailleurs créer des conditions qui permettent à chacun de produire des denrées alimentaires, en garantissant « l’accès à la terre, à l’eau, aux semences et à d’autres ressources, y compris l’accès au crédit, à l’assurance et aux connaissances techniques ». (§ 89)
1Cf. A/HRC/58/48, 2 janvier 2025.