Droit de grève au Maroc: exclusion des travailleurs et travailleuses agricoles

14/07/2025

Le 5 février 2025, le Parlement marocain a adopté la loi 97.15 régissant l’exercice du droit de grève. Bien plus qu’une simple réglementation, la loi 97.15 apparaît implicitement comme une forme de discrimination à l’égard des personnes travaillant dans le secteur informel, en particulier dans les zones rurales.

Entre la procédure obligatoire imposée pour l’appel à la grève et le délai dont le non-respect est assorti d’illégalité, cette législation est une atteinte aux droits des travailleuses et travailleurs du pays. Ce texte a été massivement rejeté par les principales centrales syndicales, notamment l’Union Marocaine du Travail (UMT), la Confédération Démocratique du Travail (CDT) et la Fédération Nationale du Secteur Agricole (FNSA), qui l’ont qualifiée de « loi d’interdiction de la grève ».

Pour rappel, le droit de grève est un droit fondamental reconnu non seulement en droit international, mais également dans la législation nationale marocaine. Ce droit est garanti constitutionnellement depuis 1962 au Maroc et a été réaffirmé dans la Constitution de 2011 (article 29).

Plus préoccupant encore, cette loi n’a pas pris en compte de manière pragmatique la réalité des différents secteurs professionnels marocains. Au Maroc, plus de 80 % des travailleuses et travailleurs des zones rurales sont employé·es dans des conditions informelles, sans contrat de travail ni protection sociale. Le salaire minimum agricole est inférieur de 30 % à celui du secteur industriel, ce qui renforce l’inégalité entre les travailleuses et travailleurs des zones rurales et celles et ceux d’autres secteurs.

L’idée d’une réglementation juste aurait dû plutôt amener le législateur marocain à abolir cette situation d’inégalité en vue de permettre à ces personnes, dont les conditions de travail sont déjà défavorables, de faire valoir leurs droits.

La loi impose des conditions strictes pour déclencher une grève : un syndicat représentatif (alors que 75 % des travailleurs agricoles ne sont pas syndiqués) ou un comité de grève doit obtenir l’approbation de 25 % des salariés, puis une ratification par 35 % en assemblée générale. Elle exige par ailleurs des démarches administratives complexes, rendant ce droit inapplicable pour la plupart des travailleuses et travailleurs non organisé·es. Or, le droit de grève est un droit essentiel afin d’exiger des conditions de travail plus justes. Ainsi, cette loi empêche toute grève spontanée et impose des procédures complexes qui excluent une majorité de la population active rurale de la possibilité de défendre ses droits.

Une telle législation établit un régime désavantageux qui va à l’encontre des principes et des dispositions relatives à la protection des droits fondamentaux, notamment les droits économiques, sociaux et culturels, les droits des travailleurs, les droits des paysans et des personnes travaillant dans les zones rurales.

Le CETIM, en soutien à la FNSA (membre marocain de La Via Campesina) a soumis une saisine auprès des mécanismes de protection des droits humains de l’ONU, exigeant l’abrogation de la loi 97.15.

Un dialogue social avec les syndicats, les travailleuses et travailleurs agricoles doit être engagé pour élaborer un cadre respectueux des droits, tout en protégeant les travailleurs de ce secteur. En ce sens, il est indispensable d’inclure dans la législation de ce pays les normes internationales telles que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, les Conventions de l’OIT ainsi que la Déclaration de l’ONU sur les droits des paysans auxquelles le Maroc a adhéré.

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