Vers la réalisation des droits des paysan·nes : défis et actions

12/12/2022

Depuis l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales (la Déclaration) en décembre 2018, les organisations paysannes – sous le leadership de La Via Campesina (LVC) – s’est lancé dans une nouvelle campagne pour la mise en œuvre de cette Déclaration.

Le CETIM, en tant que partenaire de LVC engagé de longue date à ses côtés dans la défense de la paysannerie familiale, joue un rôle actif et de premier plan dans les efforts de promotion de la Déclaration, en particulier au niveau international et au sein de l’ONU.

Nous savons très bien que la route vers la réalisation des droits des paysans sera longue et semée d’embûches. En effet, l’agrobusiness continue de consolider son pouvoir monopolistique sur les systèmes alimentaires à travers le monde. Qui plus est, l’impact de ce secteur sur les politiques des gouvernements (trafic d’influence) représente un problème majeur qui s’aggrave. Le cœur-même de la stratégie de l’agrobusiness est de faire en sorte que les institutions publiques servent ses intérêts. Ce trafic d’influence – qui place les profits et les actionnaires avant les droits humains des peuples et des citoyens – constitue un véritable défi pour la réalisation des droits des paysans et leur mise en œuvre.

En dépit de ce contexte complexe et en apparence défavorable, la lutte du mouvement paysan international et de ses alliés se renforce et les droits des paysan·nes commencent à se concrétiser à différentes échelles. Cela est le fruit de la mobilisation des organisations paysannes dans plusieurs pays. Ces dernières font connaître la Déclaration, forment leur base à son contenu et utilité, et exigent des autorités de leurs pays respectifs de mettre en œuvre les droits des paysans. Ainsi, dans plusieurs pays, nous observons que des législations sont élaborées à la lumière des dispositions de la Déclaration (par ex. la loi népalaise sur les droits des paysans). De même, les procédures et décisions de justice se basant sur son contenu se multiplient (par ex. l’arrêt d’un tribunal canadien sur les droits des travailleurs ruraux migrants). Autant d’éléments démontrant que la mise en œuvre de la Déclaration est bel et bien en marche.

Actions au sein de l’ONU

Le CETIM et ses partenaires plaident pour la création d’un mécanisme de suivi international de la Déclaration, sous la forme d’une nouvelle procédure spéciale du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Ce mécanisme aura la tâche de surveiller la mise en œuvre de la Déclaration, autant à l’échelle nationale qu’internationale. En ce sens, le futur mécanisme de suivi servira de levier, à la fois politique et juridique, pour accompagner la mise en œuvre effective des droits consacrés dans la Déclaration. Pour atteindre ce but, le CETIM et ses partenaires ont organisé plusieurs événements au sein de l’ONU et sont intervenus devant différentes instances de cette institution.

Dans ce cadre, LVC, le CETIM, FIAN International, le South Center, le Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme et trois missions diplomatiques (celles de de la Bolivie, de l’Afrique du Sud et du Luxembourg) ont organisé, lors de la 50e session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU (juin 2022), une conférence portant sur la mise en œuvre de la Déclaration. Il s’agissait du premier événement de ce genre depuis 2018. L’événement fut un véritable succès ; il a démontré, à travers un spectre large et diversifié de pays et acteurs présents, que la promotion de la Déclaration est à l’agenda de l’ONU et qu’elle représente une priorité.

A l’occasion du sommet ministériel de l’Organisation mondiale du commerce (juin 2022), une délégation d’environ 40 délégué·es de La Via Campesina s’est rendue à Genève. Dans ce cadre, le CETIM et les délégué·es paysan·nes ont organisé une manifestation internationale et mené un travail de plaidoyer auprès des missions diplomatiques de leurs Etats respectifs afin de leur demander de soutenir les efforts de mise en œuvre de la Déclaration, et plus particulièrement la mise en place du mécanisme de suivi international précité.

Dans le cadre de la 51e session du Conseil des droits de l’homme (septembre 2022), une autre délégation de La Via Campesina est venue à Genève afin de poursuivre le travail de plaidoyer pour préparer le terrain à la création dudit mécanisme (voir à ce propos l’article publié sur notre site)

Le CETIM et LVC ont participé au Forum social (3-4 novembre 2022), une réunion annuelle convoquée par le Conseil des droits de l’homme qui se donne comme objectif de « promouvoir la cohésion sociale fondée sur les principes de justice sociale, d’équité et de solidarité, ainsi que d’aborder la dimension sociale et les défis du processus de mondialisation en cours ». Cette année, le Forum social portait sur « la réalisation des objectifs de la Décennie internationale d’action sur le thème, ‘L’eau et le développement durable’, 2018 –2028 ». Il s’agit donc d’un espace pertinent pour plaider en faveur d’une meilleure appropriation de la Déclaration, en tant qu’outil de pointe pour promouvoir les droits économiques et sociaux dans le cadre d’une mondialisation néolibérale qui tend à les écarter. Les représentant·es de LVC et du CETIM, qui sont intervenu·es à cette occasion, ont présenté la vision et le rôle important de la paysannerie familiale dans la gestion de l’eau et souligné l’importance de la Déclaration comme feuille de route pour faire face à la crise climatique. Dans ce cadre, le CETIM et ses partenaires ont également organisé une conférence sur le droit à l’eau, lors de laquelle il a été débattu de la manière dont le droit à l’eau est intrinsèquement lié aux droits des paysans et à des systèmes alimentaires durables.

Nous espérons qu’en 2023 le Conseil des droits de l’homme avancera vers la création de ce mécanisme de suivi international et que ce dernier pourra effectivement contribuer à faire des droits des paysans une réalité tangible sur le terrain.

Un site internet sur la Déclaration pour informer et former

Comme nous l’avons mentionné précédemment, la réalisation des droits des paysan·nes passe également par un vaste travail d’information et de formation. Dans ce but, LVC, le CETIM, FIAN International et l’Académie de Genève travaillent depuis une année à un projet de création d’un nouveau site internet entièrement dédié à la promotion de la Déclaration : DÉFENDRE LES DROITS DES PAYSANS. Plateforme des luttes rurales en action ! Ce site est lancé officiellement en décembre 2022.

Cet instrument servira de plateforme collective d’apprentissage et de promotion des droits des paysans. Il se veut un espace de collecte et de diffusion de matériel d’information et de formation, d’exemples de mise en œuvre de la Déclaration, d’évolutions législatives et politiques, ainsi que de cas juridiques portant sur cette thématique. Il s’agit par là de mettre à la disposition d’un large public les différentes stratégies de lutte des mouvements paysans, et aussi d’assurer l’articulation entre les organisations et mouvements qui partagent la même perspective de transformation des systèmes agro-alimentaires mondiaux, dans un sens respectueux de l’environnement, de la biodiversité et des droits des paysans, et dans une optique de justice sociale et climatique.

https://defendingpeasantsrights.org/fr/home

Catégories Actualités Articles Bulletin Campagnes Droits des paysans DROITS HUMAINS
Étiquettes
bursa evden eve nakliyat