Compte rendu de conf�rence
 

Femmes autochtones � l'Espace Solidaire P�quis : paroles et combats

A l'Espace Solidaire P�quis, nos associations* ont accueilli trois grandes voix de l'Am�rique centrale et du Sud, invit�es � Gen�ve � l'occasion du forum sur les principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme. Pour cadrer l'exercice, Melik �zden, pour le CETIM, a bri�vement d�fini le cadre du demi-si�cle de discussions qui se sont d�roul�es au Palais des Nations pour la mise en place de principes directeurs � l'intention des entreprises transnationales afin de faire respecter l'exercice des droits �conomiques, sociaux et culturels des populations.
Son constat est plus qu'amer : pendant toutes ces ann�es l'�coute des t�moignages, des souffrances v�cues par les populations et des attaques � leurs terres n'ont eu aucun effet, les app�tits des nouveaux pr�dateurs n'a en rien diminu�. Aucune atrocit�, aucun saccage de terres, pollution des eaux (par les industries d'extraction), atteinte aux cultures autochtones ne sera pris en compte dans ce cadre.

Ce forum n'a aucun effet juridique contraignant, ne conduit � aucun contr�le de la part d'instances juridiques, nationales et internationales. Les principes directeurs mentionn�es sont « � bien plaire » pour les nouvelles oligarchies. Pour r�sumer : la r�alit� r�pond aux voeux de Percy Barnevick, ancien pr�sident du groupe helv�tico-su�dois Asea Brown Boveri (ABB) : « je d�finirais la globalisation par la libert� pour mon groupe d'investir o� il veut, le temps qu'il veut, en s'approvisionnant et en vendant o� il veut, et en ayant support� le moins de contraintes possibles en mati�re de droit du travail et de conventions sociales. »

Premier exemple de ce genre de pratiques au Guatemala, o� la criminalisation des d�fenseurs des droits de l'homme exerce une terrible pression sur les communaut�s autochtones, conduit � des assassinats cibl�s qui restent impunis dans 95 % des cas. Hermelinda Simon, une femme de l'ethnie K'anjobal, y d�nonce notamment le meurtre d'Andres Francisco Miguel perp�tr� par des employ�s d'une entreprise hydro�lectrique espagnole active � Barillas.
Depuis qu'elle cherche � obtenir justice, elle et sa famille sont constamment menac�es. Elle continue � d�fendre cette terre, sacr�e, que le projet de centrale �lectrique st�riliserait irr�m�diablement. Et puis � quoi servirait cette �lectricit�, hors de prix pour une majorit� de la population, sinon aux entreprises ?

Patricia Gualinga Montalvo, jeune femme de la for�t �quatorienne parle de son peuple Kichwa de Sarayaku ,: 1'200 personnes qui vivent en plein coeur de l'Amazonie et m�nent depuis plus de 10 ans un combat vital pour emp�cher toute intrusion d'entreprises extractives dans la for�t. Son peuple a d�clar� l'�tat d'urgence sur son territoire et chacun s'est mobilis� pour en interdire physiquement l'acc�s � tous ceux qui voudraient le d�vaster pour exploiter ses richesses en p�trole et en biodiversit�. Les enfants ont �t� confi�s aux membres de la communaut� incapables de se battre. Patricia dit que son peuple n'a pas le choix, que leurs forces r�unies se doivent de prot�ger la Madre Tierra, pour le bien de tous, de la plan�te comme de l'humanit� !
En 2012 la Cour interam�ricaine des droits de l'homme leur a accord� une victoire historique en reconnaissant le gouvernement �quatorien coupable de violations des droits du peuple Sarayaku pour avoir autoris� l'exploration des p�troliers et la militarisation de ses terres. Dans les faits, dans la grande for�t, l'�tat de veille ne faiblit pas. Il s'agit maintenant de veiller l'application du droit obtenu de haute lutte sur le territoire Sarayaku, conclut la jeune femme.

Mais il n'y pas que le p�trole, la recherche des �nergies dites propres fait aussi des ravages : d'immenses champs d'�oliennes sont en train de transformer l'isthme de Tehuantepec, dans l'Etat mexicain d'Oaxaca. Bettina Cruz, membre de l'assembl�e des peuples autochtones de l'isthme s'est retrouv�e en point de mire des soci�t�s transnationales et b�n�ficie de mesures de protection du gouvernement de l'Etat d'Oaxaca. Elle raconte l'emprise gigantesque sur la lagune et sur les terres des �oliennes cens�es apporter le d�veloppement. Cet isthme est pourtant une terre � la faune et � la flore extraordinaire, elle est le passage entre l'Am�rique du nord et du sud, de l'est et de l'ouest pour des millions d'oiseaux migrateurs qui s'y ravitaillent. C'est aussi l� qu'on retrouve ABB, parmi une liste immense d'entreprises �nerg�tiques du monde entier.
Bettina t�moigne des choix des peuples autochtones de garder leur environnement intact, de sauver la terre et les eaux qui les nourrissent et de penser le d�veloppement en d'autres termes. A savoir : sommes-nous riches quand nous sommes oblig�s de vendre notre force de travail, de courir apr�s le papier-monnaie, d'abattre les arbres et les plantes qui enchantent notre monde et nous ont donn� la vie ? Quant � cette force qu'elle d�gage, � toutes ses luttes dangereuses qui font son quotidien elle ne manque pas de rappeler qu'elle n'a pas le choix ! Dignement, tristement.

Une r�flexion imparable sur le mald�veloppement, le sens que prend la richesse selon le lieu o� nous sommes n�s, les conditionnements que nous subissons dans un monde vou� � d�vorer les territoires d'autrui pour faire tourner la machine « croissance ».

Quel bilan tirent ces femmes de leur pr�sence dans le cadre du forum onusien ? Un bilan positif. Pas sur le forum en lui-m�me qui offre avant tout une tribune aux entreprises au sein des Nations-Unies sans leur imposer de cadre contraignant. Mais sur le fait de pouvoir rencontrer d'autres peuples confront�s aux m�mes probl�mes � travers le monde, de pouvoir �couter et d�couvrir les discours liss�s des entreprises, si loin du terrain, de mieux comprendre leur strat�gie.

Les luttes de ces femmes et de leurs communaut�s continuent jour apr�s jour. Elles nous ont rappel� que le soutien et la solidarit� internationale sont une aide essentielle pour leur donner la force de les poursuivre.

Chantal Woodtli
secr�taire Km 207 Guatemala-Suisse

* associations : CETIM, Peace Watch Switzerland, Peace Brigades InternationalBI, Km207 Guatemala-Suisse, Uniterre, Docip, Plate-forme contre l'impunit�, Espace Solidaire P�quis, avec le soutien de la Ville de Gen�ve et de Gen�ve Ville Solidaire

  photos par Demir S�nmez